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Δευτέρα 31 Οκτωβρίου 2011

rèce : "Nous devenons une colonie" de Bruxelles



ΤΕΤΆΡΤΗ, 26 ΟΚΤΩΒΡΊΟΥ 2011

Grèce : "Nous devenons une colonie" de Bruxelles

LEMONDE | 25.10.11 | 18h23
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"Est-ce que vous trouvez que l'on est paresseux ?" La rencontre avec Chris Bossinikis et Maria Sotiraki, un couple de fonctionnaires, est à peine commencée, que Chris pose la question.
Comme beaucoup de Grecs, Chris s'est senti humilié par l'image d'un pays qui se dore la pilule au soleil, pendant que l'Europe du Nord travaille dans les frimas.
L'économiste Patrick Artus a montré que le cliché ne reposait sur rien et que les pays méditerranéens travaillaient plutôt davantage que d'autres pays européens, mais l'image est restée.
Chris est jardinier dans la principale déchetterie d'Athènes, où il aménage les abords et fait les plantations. Quand ses heures de travail sont finies et qu'il n'y a pas de manifestations - il les rate rarement -, il travaille chez des particuliers ou des entreprises. Sa femme est également salariée à la déchetterie, dans les bureaux.
Ce sont des fonctionnaires précaires. Voilà huit ans qu'ils sont contractuels, jamais titularisés. Et depuis l'automne 2010, le gouvernement sommé par la "troïka" des bailleurs de fonds d'Athènes - le Fonds monétaire international, la Banque centrale européenne et la Commission européenne - de faire des économies, tente de mettre fin à leur contrat. Mais tous les six mois, Chris et Maria vont devant la justice, qui invalide la décision administrative.
Comme 16 % de la population active, ils risquent de se retrouver au chômage. "Depuis septembre, un patient sur deux a perdu son travail dans l'année", constate le psychiatre Dimitris Ploumidis, qui exerce dans la banlieue d'Athènes.
La Grèce est malade. Le nombre de dépressions augmente, comme celui des suicides, alors que le pays a longtemps été fier d'être la lanterne rouge européenne en ce domaine. Une sorte de déprime collective, née dans ce tunnel de la récession qui n'en finit pas.
Les manifestants réguliers ou occasionnels, les candidats au départ vers l'Australie ou d'autres horizons moins lointains, témoignent tous de ce malaise : "Il n'y a pas d'avenir en Grèce ."
Le gouvernement socialiste de Georges Papandréou est au bout du rouleau. Il est décrié à l'intérieur pour la radicalité de ses mesures d'austérité, et à l'extérieur pour sa lenteur à les mettre en oeuvre. L'opposition progresse dans les sondages, mais le rejet des hommes politiques frappe les deux partis alternativement au pouvoir depuis 1974. Le mémorandum et les mesures d'austérité avaient été acceptés en mai 2010. Ces dernières sont jugées trop douloureuses - et inefficaces - par la majorité des Grecs, tous milieux sociaux confondus, du chômeur au chef d'entreprise. Ils se serrent la ceinture et les résultats ne sont pas là.
La "troïka" vient de le reconnaître implicitement en fixant à 2021 un retour sur les marchés pour l'Etat grec, ce qui veut dire encore dix ans de perfusions monétaires et de privations. Les manifestations, émaillées de violences comme en attestent les images qui passent en boucle sur toutes les télévisions du monde, servent à hurler la colère. Elles n'ont empêché aucune mesure d'austérité.
Du côté de l'Europe, dont les sommets annoncés comme décisifs accouchent de souris les uns après les autres, les espoirs apparaissent également vains. Depuis la chute de la dictature, l'horizon politique grec est tourné vers l'Europe. La marche vers l'Union européenne et l'entrée dans la zone euro étaient synonymes de modernité et de prospérité. "C'est la première fois que les Grecs ont tant de réserve sur la maturité du leadership européen", constate le politologue Georges Sefertzis.
D'après les sondages, il existe toujours une majorité de partisans de la monnaie unique et de la construction européenne. Mais les doutes s'installent. Et s'expriment. Iannis Mavris de l'institut de sondage Public Issue a évoqué en mai "l'érosion graduelle du sentiment proeuropéen en Grèce".
"On ne veut pas être les pauvres de cette communauté européenne", explique Maria. Les fonds européens - si mal utilisés et souvent détournés en Grèce - devaient pourtant aider à combler l'écart avec les pays les plus riches. L'histoire a montré que la croissance grecque des années 2000 reposait sur le sable de l'endettement.
Les retards accumulés par le gouvernement pour mettre en oeuvre les privatisations et d'autres réformes promises entraînent un renforcement des contrôles et des initiatives de l'Europe ou de la "troïka". "Je me sens humilié en tant que Grec, quand j'entends que la vente du patrimoine du pays pourrait se faire de Bruxelles. Nous devenons une colonie", s'indigne Dimitris Ploumidis.
"L'Europe ne va pas réussir. Le Nord veut être séparé du Sud. Nous n'avons pas la même mentalité", explique Savvas Lazos. Ce garagiste de Salonique, dans le nord du pays, veut partir en Australie ; il n'arrive plus à vendre ces 4 × 4, qui faisaient fureur dans la décennie de prospérité des années 2000.
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Georges Karambelias a beaucoup de succès dans les manifestations avec son affiche "Wanted" représentant Georges Papandréou et son ministre des finances, Evangelos Venizélos, ces "marionnettes de la troïka". Récompense promise : "une vie libre". Ce directeur de la revue d'extrême gauche nationaliste Ardin est favorable à l'Europe, indispensable à Athènes face à la montée en puissance de la Turquie. Mais, pour lui, l'Europe et la Grèce sont dans "une impasse" : "L'Union européenne est irresponsable en poussant le gouvernement à continuer les mesures d'austérité. Cela crée une dynamique de la crise dans toute l'Europe."
La relation entre la Grèce et l'Europe est complexe. Sans l'appui financier et militaire des grandes puissances européennes, le pays hellène aurait eu du mal à se libérer du joug ottoman il y a moins de deux cents ans et à prendre son indépendance.
Paris, Londres et les autres, qui invoquaient alors le passé prestigieux de la Grèce antique, berceau de la démocratie, rappellent aujourd'hui à Athènes sa dette.
Dans son roman, Le Dicôlon (paru en 1995 en Grèce et traduit en 2011 chez Verdier), Yannis Kiourtsakis évoque ce rapport difficile à l'Europe et le poids de cet héritage antique : "Cette admiration transformait notre sentiment d'infériorité permanent à l'égard de l'Europe et des Européens en sentiment de supériorité inébranlable, puisque - nous le sentions bien - rien désormais ne pourrait faire descendre la petite Grèce du piédestal sur lequel, depuis bien des siècles, l'Histoire l'avait installée à tout jamais dans la conscience universelle !"
L'entrée dans l'Europe, puis dans l'euro, tout comme les Jeux olympiques de 2004, ont fait croire que c'était arrivé : la Grèce était à égalité. L'argent était aussi facile à dépenser qu'à emprunter pour les particuliers et encore plus pour les gouvernements. La crise est venue. La Grèce est redescendue brutalement et douloureusement de son piédestal.

Alain Salles

Πηγή: Le Monde

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