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Κυριακή 8 Απριλίου 2012

Nicolas Sarkozy, François Hollande et la question arménienne

Nicolas Sarkozy, François Hollande et la question arménienne

par Franck Gaillard
Mais pourquoi la question arménienne se retrouve-t-elle si haut à l’agenda de la présidentielle en France, portée par les deux principaux candidats, Nicolas Sarkozy et François Hollande ? Du jamais vu depuis son renouveau en 1965...

L’invalidation par le Conseil constitutionnel de la loi contre le négationnisme aurait pu convaincre les deux candidats d’abandonner le projet ou de le rejeter aux calendes grecques de l’histoire de la République. Il en est tout autre. Le candidat de l’UMP et celui du PS ont pris à nouveau l’engagement, au détour d’entretiens accordés au magazine « Nouvelles d’Arménie », de faire adopter un nouveau texte contre le négationnisme et ce, dès le début de leur mandat.


Il ne s’agit pas d’une nouvelle promesse à l’endroit des Français d’origine arménienne. Non, il s’agit pour la première fois d’une réelle conviction placée au coeur de leur politique à l’égard de la Turquie et de leur vision de la mondialisation. Car, la toile de fond de cet engagement distinct mais parallèle renvoie à la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne mais aussi à la place de la France dans le monde.

A droite, non seulement Nicolas Sarkozy s’oppose à l’adhésion d’Ankara à l’UE, mais il assortit son « Non » à une promotion de la question arménienne, elle-même désormais inscrite dans une trajectoire néo-conservatrice et occidentaliste de la ligne sarkozyste. Pour les tenants de cette approche défensive des valeurs occidentales, il s’agit de présenter la question arménienne comme une source de solidarité avec la chrétienté - l’Empire ottoman ayant exterminé 1,5 millions de chrétiens à partir de 1915 - et comme un maillon de défense de la civilisation européenne au Proche-Orient, là où justement les Chrétiens d’Orient sont menacés dans leur intégrité.
En se rendant en Arménie en octobre 2011, Nicolas Sarkozy le néo-conservateur a accordé à l’Arménie une place particulière sur son édifice de protection des valeurs occidentales dans le monde. L’adhésion en 2011 de trois partis arméniens au Parti Populaire Européen - Parti républicain, Héritage, Parti Etat de droit - traduit cet arrimage de la droite arménienne au train du conservatisme européen. Premier Etat chrétien au monde, l’Arménie a donc un rôle à jouer dans le rayonnement mondial de l’Occidentalisme, au nom d’une croisade des idées et des valeurs. Cet investissement en faveur de la question arménienne plombe pour longtemps tout espoir de détente entre la France et la Turquie. Mais outre le refus d’ouvrir la porte européenne à Ankara, Nicolas Sarkozy l’arménophile mise en fait sur l’obligation pour les Turcs d’ouvrir un dialogue sincère et franc avec les Arméniens. Pari osé quand on sait avec quel mépris Ankara gère les pressions et comment Ankara, quel que soit le régime, examine la question arménienne depuis 1878. Mais Nicolas Sarkozy associe une conviction - la défense de l’Occidentalisme - à un calcul - l’instrumentalisation de la question arménienne.

A gauche, François Hollande accorde à la question arménienne un double sens. D’un côté, il s’inscrit dans une tradition socialiste de défense des opprimés, de solidarité avec les Arméniens et de fidélité à François Mitterrand, artisan d’une esquisse de diplomatie pro-arménienne pionnière en Europe. De l’autre, son investissement sincère ne peut cacher un calcul : utiliser la question arménienne comme un instrument de façade de sa perception de la candidature de la Turquie à l’UE. Jamais, le candidat socialiste n’a en effet répondu à la question simple de son soutien ou non à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Dès les années 2000, l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste a vu dans la question arménienne le double intérêt de promouvoir la justice en faveur des Arméniens et d’assurer l’unité de son propre camp à propos d’un dossier aussi sensible que la candidature d’Ankara à l’UE.
Dire « oui » à l’entrée de la Turquie, c’est se mettre à dos la moitié de son camp, à commencer par l’ancien premier ministre, Laurent Fabius, hostile à ce qu’il considère comme être un enterrement de l’Europe politique. Dire « non » à Ankara, c’est contrarier l’autre moitié de son camp, avec en tête, son directeur de campagne, Pierre Moscovici, turcophile notoire. Mettre en avant la question arménienne lui permet ainsi de marcher dans les pas de François Mitterrand l’arménophile et dans ceux de Jacques Delors le pragmatique. Par ailleurs, l’Europe se trouvant dans un tel état de défiance, la question de l’élargissement ne peut pas être envisagée comme une priorité. Ainsi, il n’y a aucun intérêt à être clair ni pressé sur l’adhésion ou non de la Turquie tout en restant favorabbles à des négociations avec Ankara sans présager de l’issue du processus.
En attendant, histoire d’éviter la division de son camp, voire de sa future majorité (Verts et Radicaux sont plutôt turcophiles), mieux vaut prendre l’engagement de promouvoir la question arménienne en votant un texte contre le négationnisme, manière de mettre la pression sur Ankara et non sur la France ou l’UE. Au-delà de cette recherche d’équilibre, François Hollande veut transmettre un message de paix au monde. Par sa double approche pragmatique et arménophile, il entend débloquer les relations entre Bruxelles et Ankara tout en surmontant les tensions arméno-turques. Et inversement. Cette stratégie d’accompagnement relève d’une démarche offensive dans le cadre d’une recherche de paix universelle.

D’un côté, une diplomatie néo-conservatrice pro-arménienne au nom de la défense de l’Occidentalisme. De l’autre, une diplomatie gaullo-mitterrandienne pro-arménienne au nom de la paix en Europe. Au milieu, une question arménienne qui se trouve doublement projetée dans le XXIe siècle. Soit l’Arménie participe à la stratégie de rejet d’Ankara par l’UE, mais prend le risque de retarder son intégration régionale. Soit l’Arménie participe à celle du déblocage des négociations entre Ankara et Bruxelles avec le risque de contrarier les intérêts de la Russie. Ainsi mentionnée à l’agenda électoral, la question arménienne ne serait plus une variable d’ajustement mais pas encore un phénomène structurant de la diplomatie française. Un état fragile d’autant plus préoccupant que les deux candidats ne maîtrisent pas leur propre camp. A droite comme à gauche, les amis de la Turquie sont prêts à sortir le moment venu leur glaive du fourreau pour mieux enterrer la question arménienne.

Franck Gaillard

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