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Πέμπτη 13 Αυγούστου 2015

Pillage économique de la Grèce : Un partisan du oui fait la morale au peuple grec


Par Bruno Adrie

Le blog de Bruno Adrie
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http://www.mondialisation.ca/pillage-economique-de-la-grece-un-partisan-du-oui-fait-la-morale-au-peuple-grec/5468487
Romain Perez
Dans son article intitulé « Pourquoi lAllemagne ne paiera pas... malgré les suppliques de Dominique Strauss Kahn » (La Tribune, 27 juillet 2015), Romain Perez, professeur à Science Po et coordinateur du pôle économie du think tank Terra Nova, prend le parti du couple Merkel-Schäuble et de lAllemagne dans laffaire grecque. Evoquant tout dabord les critiques les plus communes, celle de Joshka Fischer, « lAllemagne aurait bien changé », celle de Frédéric Lordon, « prisonnière dun récit trompeur sur lunion monétaire », celle de Romaric Godin, « elle chercherait à imposer une certaine vision ordo-libérale de la politique économique », manifestement trouvées dans une déclaration récente de Dominique Strauss-Kahn, il prend, sans apporter aucun argument, le contre-pied de « cette mise en accusation de nos riches cousins » et considère que ce nest pas parce que lAllemagne sest vu remettre ses dettes (accord de Londres de 1953) quelle devrait faire un cadeau à la Grèce en 2015. Son article se résume en trois affirmations lapidaires :

Première affirmation de M. Perez : « les gouvernements du sud ont compromis lavenir de leuro » contrairement à lAllemagne qui, de son côté, a su entreprendre « des réformes courageuses pour maintenir les équilibres économiques et financiers ».
Cette référence au maintien des « équilibres économiques et financiers » renvoie en fait à « une certaine vision ordolibérale de la politique économique », car lOrdnungspolitik consiste précisément à « [subordonner] laction gouvernementale à la stricte observance dun ordre » dans lequel « les politiques peuvent agir comme ils lentendent pourvu quils ne sortent pas du cadre». Walter Eucken, le fondateur de cette doctrine pensait qu « une bonne constitution monétaire [devait] éviter linflation [et] fonctionner de manière aussi automatique que possible » et que le « primat de la politique monétaire » exigeait de soustraire cette dernière « aux pressions politiques et populaires » (Denord, Knaebel, Rimbert). Le souci de M. Pérez de maintenir les équilibres économiques et financiers est la preuve de son adhésion à la doctrine ordolibérale et aux limitations quelle exige en matière de démocratie.
Dautre part, lorsquil parle de « réformes courageuses », M. Perez fait montre dun manque de précision scientifique. Comment en effet, des réformes pourraient-elles être courageuses? Les sciences économiques, qui se veulent sciences, ne peuvent décemment employer de telles tournures stylistiques pour expliquer des phénomènes ou décrire des évènements. Les sciences doivent sappuyer sur des concepts bien identifiés et sexprimer à laide dun vocabulaire approprié. Ceci dit, nous avons néanmoins parfaitement compris ce qua voulu dire M. Perez en utilisant cette hypallage. Nous avons compris que, dans son esprit, est courageux lélu intrépide qui ne tient pas ses promesses et fait voter des lois contraires aux intérêts des gogos qui lont porté au pouvoir par un vote obtenu au prix du mensonge. On peut dire par exemple que Tsipras et Hollande sont des hommes courageux, au sens pérézien du terme.
En réalité le courage politique nest pas tel que défini par M. Perez. Il ne consiste pas à devenir un laquais de loligarchie et à faire passer, en échange de quelques prébendes ou dun siège dans un conseil dadministration, des lois qui ruinent les nations. Être courageux politiquement signifie, au contraire, tenir tête à loligarchie et faire passer des lois qui entament ses privilèges et visent à une redistribution équitable des gains du travail et de la productivité. Un certain nombre de chefs dEtat ont été courageux, Lumumba, Sukarno, Allende, Roldós, Torrijos, Sankara et jen passe car la liste est longue de ces hommes qui, à cause précisément de leur courage, ont été assassinés ou renversés par des oligarchies jalouses de leurs privilèges ou par des puissances ennemies du droit des peuples à lautodétermination. Les leaders courageux sont ceux qui bouleversent les structures de linjustice et de linégalité, pas ceux qui saplatissent devant les classes accapareuses qui ruinent les peuples pour augmenter leurs profits.
Deuxième affirmation de M. Perez : « obliger lAllemagne à assumer le renflouement grec (...) cest renverser lordre des responsabilités, et réveiller ainsi un sentiment dinjustice outre-Rhin, dangereux pour lEurope. »
Parlons, tout dabord, de ce « sentiment dinjustice outre-Rhin, dangereux pour lEurope. » Faute de précision fournie par M. Perez, on peut se demander à quel danger il fait référence. Craint-il quun Wolfgang Schäuble ne débarque casqué à la tête dune colonne de blindés dans les rues de Paris ? Si ce scénario improbable venait tout de même à se produire, M. Schäuble, devenu roi de France, pourrait alors soumettre le pays à toutes les réformes jugées nécessaires, « pour maintenir les équilibres économiques et financiers ». Je ne vois pas en quoi un tel tournant économique ne satisferait pas lordolibéral M. Perez.
Mais pour revenir à lessentiel et aux choses sérieuses, lidée dun « [renversement de] lordre des responsabilités » fait directement suite à la première affirmation qui voulait que « les Etats du sud [aient] compromis lavenir de leuro. » Elle laisse entendre que, non contents davoir été incompétents face aux exigences de la monnaie commune, les Etats du sud ont en plus la lâcheté de ne pas accepter de reconnaître leur culpabilité et de reporter la responsabilité de leur malfaisance sur lAllemagne. Puisque la question de la responsabilité est ici abordée, profitons-en pour la pousser jusquau bout. M. Perez croit-il que les Grecs sont responsables des taux extravagants imposés par les banques à leur pays depuis les années 80 ? M. Perez croit-il que les Grecs sont responsables des cadeaux fiscaux offerts à leur oligarchie à partir de lentrée dans la zone euro en 2001 ? M. Perez sait-il que léconomiste Michel Husson a montré que la dette grecque de 2009 aurait dû être de 40% et non de 100% de son PIB comte-tenu de ces deux facteurs ? (Adrie) M. Perez croit-il que les Grecs sont responsables de lattitude des banques grecques, françaises et allemandes qui, craignant un défaut, ont fait déclencher les plans de sauvetage ? M. Perez croit-il que les Grecs sont responsables des politiques contre-productives dès lors imposées par la Troïka et qui ont conduit à une chute de 25% du PIB de leur pays ? M. Perez croit-il que les Grecs sont responsables du processus de pillage appelé « privatisations » qui consiste à brader les biens nationaux au profit de capitalistes sans vergogne et ce à travers un organisme miné par la corruption ? (Okeanews) M. Perez croit-il que ces privatisations, qui ont rapporté un peu plus de 5 milliards deuros en cinq ans, pourront contribuer à effacer une dette de plus de 300 milliards ? Enfin, M. Perez croit-il que les Grecs, après avoir été frappés par tout ce malheur, méritent, par-dessus le marché, de subir les jugements hâtifs dun professeur de morale aux idées courtes et plantées de travers ? M. Perez, qui sait tout, saura sans doute répondre à toutes ces questions par la récitation de passages recopiés dans les Fondements de la politique économiques de Walter Eucken (1952).
La troisième et dernière affirmation de M. Perez est la suivante : « Nous ne donnerons pas un avenir à la zone euro en institutionnalisant le principe de mendicité pour le compte des économies ne parvenant pas à tenir leurs engagements ». Le principe de mendicité donc... Comme la expliqué Romaric Godin dans une interview accordée à Pascale Fourier, « il faut changer de cap au sein de la zone euro, [et] si on veut conserver leuro, il faut imposer à lAllemagne des transferts financiers pour que lon reconnaisse tout simplement que la zone euro est une région économique avec des diversités. La France est diverse et, si vous habitez à Paris, une partie de vos impôts vont dans le Limousin. Cest la vie ! Ça ne vous fait peut-être pas plaisir, mais vous nallez pas pour cela demander lexclusion du Limousin de la France. Cest comme ça. » Cest la vie, M. Perez, cest comme ça que fonctionne un Etat qui se veut fédéral et qui doit donner des chances de développement à toutes les parties de son territoire. Transfert dargent nest pas mendicité. En interprétant les choses avec un si mauvais esprit, M. Perez montre quil est ennemi dun projet fédéral européen. Je ne sais pas si le cousin Schäuble aura lu le papier du cousin Perez mais, sil la fait, je devine quun sourire de satisfaction naura pas manqué de chasser lamertume qui lui tire habituellement les commissures et aura décrispé son froncement de sourcils, immortalisé depuis quelques mois par photographes du monde entier.
Nous pouvons donc conclure, après examen de ces trois points, que M. Perez ignore les causes de la crise grecque, ne connaît pas lidentité de ses vrais responsables, et offusque lintelligence du lecteur par son adhésion inconditionnelle à lOrdnungspolitik, ce libéralisme à lallemande qui favorise les « haves », et impose aux « have nots » une politique austéritaire par la mise en veilleuse du processus démocratique.
Cest alors que dans notre esprit surgissent des questions. Que veut vraiment M. Perez ? Veut-il être bien vu de ses « riches  cousins » ? A-t-il a reçu deux la mission décrire en leur faveur à une époque où la contestation bat son plein et où ils se sentent montrés du doigt et discrédités ? A-t-il écrit par orgueil, pour pouvoir se lire dans les colonnes dun journal réputé pour son sérieux ? Ou par désoeuvrement, dans lépaisseur estivale des heures aplaties par les canicules ?
Pour Pierre Rimbert, la croyance en lOrdnungspolitik a « son église, ses prélats, ses cardinaux [et] ses inquisiteurs, désormais installés à la tête des grandes rédactions françaises », [des] inquisiteurs pour qui « critiquer le «modèle allemand», ou signaler ses à-côtés, [relève] de lhérésie ». M. Perez, pour le moment simple diacre, a peut-être tout simplement lambition de gravir léchelle dorée de cette nouvelle hiérarchie ecclésiastique.
Bruno Adrie
Références :
Joshka Fischer, « The Return of the Ugly German », Huffington Post, 24 juillet 2015
Frédéric Lordon, « De la domination allemande (ce quelle est et ce quelle nest pas) », La pompe à phynance, 18 juin 2013
Interview de Romaric Godin par Pascale Fourier, Blog : Jai dû louper un épisode, 14 avril 2014
Romaric Godin, « Grèce : y a-t-il un vrai désaccord entre Paris et Berlin ? », La Tribune, 3 août 2015
François Denord, Rachel Knaebel et Pierre Rimbert, « Lordolibéralisme allemand, cage de fer pour le Vieux Continent », Le Monde diplomatique, août 2015
Pierre Rimbert, « Le modèle allemand ou comment sobstiner dans lerreur », Carnets du Monde diplomatique, 5 mai 2013
Bruno Adrie, « La Grèce, sa dette, Schäuble et les Crassus daujourdhui », brunoadrie.wordpress.com, 23 juillet 2015
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