Mondialisation.ca, 28 mai 2014
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http://www.mondialisation.ca/lempire-en-construction-le-droit-etasunien-simpose-sur-le-territoire-europeen/5384195
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La Belgique et les Etats-Unis viennent de conclure un accord en vue d’appliquer en Belgique, une loi américaine luttant contre la fraude fiscale,
le Foreing Account Tax Compliance Act (FACTA). La signature de l’accord
a eu lieu ce 23 avril. Plusieurs pays, tel le Royaume-Unis, la France,
l’Allemagne et le Japon ont déjà signé avec les USA un accord,
appliquant cette loi sur leur sol. A partir du premier janvier 2015, les
établissements financiers devront déclarer aux autorités américaines
les mouvements d’un compte détenu par un citoyen américain.
Dès lors que
le montant dépasse les 50.000 dollars ou qu’un certain nombre de
mouvements ont lieu avec le territoire américain, la banque doit établir
un rapport précis des entrées et sorties de fonds. Si une banque ne se
soumet pas à cette procédure, toutes ses activités aux USA seront
sur-taxées à hauteur de 30%. La sanction peut aller jusqu’au retrait
de la licence bancaire aux Etats-Unis.
Ces accords signés par les pays membres de l’UE avec l’administration américaine violent les lois nationales de protection des données personnelles, ainsi que Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, « relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données », directive
intégrée dans le droit de tous les Etats membres. L’application de
FACTA sur le sol de l’ancien continent viole le droit national des pays
européens, ainsi que le droit de l’UE Ces législations ne sont pas
supprimées, mais suspendues. Il convient de ne pas en tenir compte dans
les relations avec les Etats-Unis.
De précédents accords
légalisant la capture par les autorités américaines des données des
ressortissants européens procédaient de même. Depuis les attentats du 11
septembre 2001, Swift, société américaine
de droit belge avait transmis clandestinement, au Département du Trésor
US, des dizaines de millions de données confidentielles concernant les opérations financières
de ses clients. Malgré la violation flagrante des droits, européen et
belge, cette capture n’a jamais été remis en cause. Au contraire, l’UE
et les USA ont signé plusieurs accords destinés à la légitimer[1].
Swift était soumise au droit belge et à celui de la communauté européenne, du fait de la localisation de son siège social
à La Hulpe. Cette société était soumise également au droit américain du
fait de la localisation de son second serveur sur le sol des
Etats-Unis, permettant ainsi à l’administration US de se saisir
directement des données. Ainsi, la société a ainsi choisi de violer le droit européen,
afin de se soumettre aux injonctions de l’exécutif américain. Or,
depuis fin 2009, les données Swift inter-européennes ne sont plus
transférées aux Etats-Unis, mais sur un second serveur européen. Mais,
si les américains n’ont plus accès directement aux données, celles-ci
leur sont transmises, à leur demande, en « paquets » et eux seuls
maîtrisent techniquement le processus de traitement des informations. De
plus, à peine, les accords signés, les américains ont posés de
nouvelles exigences. L’administration US avait déjà déclaré en 2009 « que les transactions entre les banques européennes et américaines devraient être captées, sans qu’il y ait une nécessité avérée. »
De même, l’UE ne s’est jamais opposée à la remise des données PNR par les compagnies aériennes situées son le sol. Les informations communiquées comprennent les noms, prénom, adresse, numéro de téléphone,
date de naissance, nationalité, numéro de passeport, sexe, mais aussi
les adresses durant le séjour aux USA, l’itinéraire des déplacements,
les contacts à terre, ainsi que des données médicales. Y sont reprises
des informations bancaires, tels les modes de paiement, le numéro de la carte de crédit
et aussi le comportement alimentaire permettant de révéler les
pratiques religieuses. L’initiative unilatérale américaine, de se saisir
de ces données, a automatiquement été acceptée par la partie européenne
qui a du suspendre ses législations afin de répondre aux exigences
d’outre-atlantique[2].
Dans les deux cas, passagers aériens et affaire Swift, la technique est identique. En fait, il ne s’agit pas d’accords juridiques entre deux parties, entre deux puissances formellement souveraines. Il n’existe qu’une seule partie,
l’administration US qui, dans les faits, s’adresse directement aux
ressortissants européens. Dans les deux textes, le pouvoir exécutif
américain réaffirme son droit de disposer de leurs données personnelles
et exerce ainsi directement sa souveraineté sur les ressortissants de
l’UE.La primauté du droit étasunien sur le sol européen est aussi un des enjeux des négociations de la mise en place d’un grand marché transatlantique, le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement.(Transatlantic Trade and Investment Partnership).
Grâce au TTIP, les entreprises US pourront, au nom de la libre concurrence, porter plainte contre un Etat qui leur refuse des permis d’exploitation de gaz de schiste ou qui impose des normes alimentaires et des standards sociaux. Ce système de règlement
des différends pourrait permettre aux américains de faire tomber des
pans entiers de la régulation européenne en créant des précédents
juridiques devant cette justice américaine privée. Le principe
d’introduire un tel mécanisme a en effet été accepté par les Européens
dans le mandat de négociation, délivré à la Commission, en juin 2013,
par les ministres du commerce européens. L’instance privilégiée pour
de tels arbitrages est Centre international de règlement des différends
liés à l’investissement (Cirdi), un organe dépendant de la Banque
Mondiale basé à Washington, dont les juges, des avocats d’affaire ou des
professeurs de droit,
sont nommés au cas par cas : un arbitre désigné par l’entreprise
plaignante, un par l’Etat de Washington, et le troisième par la
secrétaire générale du Cirdi[3].
Si cette procédure,
partiellement acceptée, entre en jeu dans le cadre du futur grand marché
transatlantique, le droit européen s’effacera une fois de plus, ici
devant une juridiction privée placée sur le sol américain, dans laquelle
la partie étasunienne jouera un rôle déterminant.
Jean-Claude Paye
Jean-Claude Paye, sociologue, auteur de L’emprise de l’image. De Guantanamo à Tarnac, éditions Yves Michel novembre 2011.
[1] Jean-Claude Paye, « Les transactions financières internationales sous contrôle américain, Mondialisation.ca, le 2 mai 2008,http://www.mondialisation.ca/les-transactions-financi-res-internationales-sous-contr-le-am-ricain/8879
[2] Jean-Claude Paye, « L’espace aérien sous contrôle impérial », Mondialisation.ca, le 15 octobre 2007,http://www.mondialisation.ca/l-espace-a-rien-sous-contr-le-imp-rial/7080
[3] Convention pour le réglement des différents relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats, International Centre for Settlement of Investissement Disputes ( ICSID), chapitre de l’arbitrage article 37, https://icsid.worldbank.org/ICSID/StaticFiles/basicdoc-fra/partA-chap04.htm#s02
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