
Colloque : 20 et 21 février 2014 à l’Académie Royale de Belgique
Le thème du génocide des populations grecques du Pont, mais plus
généralement les massacres et le génocide des Grecs en Asie Mineure et
ailleurs
dans
l’Empire Ottoman est inconnu dans la plupart
des pays. Avec l’initiative de
Lambros Couloubartisis, professeur émérite à l’Université de Bruxelles et Membre de
l’Académie Royale de Belgique, l’Académie décida d’étudier le problème
dans
un cadre scientifique en vue d’informer les Belges et les autres habitants du Royaume. Le thème étant délicat,
il y a eu des réactions de l’Ambassade de Turquie, que l’Académie et les organisateurs du colloque ont réussi à contrôler.Le colloque s’est déroulé en
deux
jours.
En introduisant le colloque,
Lambros Couloubaritsis expliqua les raisons qui l’ont conduit à organiser
cette
manifestation, en insistant sur ses
rencontres avec
des Grecs du Pont, qui lui ont fait comprendre leurs souffrances et le
désir d’une reconnaissance de la part de la Turquie qui persiste à nier
le génocide. Comme il s’occupe plus spécialement de la question de la
souffrance humaine, il considère que le génocide met en jeu la
souffrance générationnelle. Il justifia également l’absence de la partie
turque en indiquant qu’elle n’aurait pas apporter grande chose sur la
question des souffrances des victimes, mais au contraire aurait
confirmer des positions opposées et inconciliables. Enfin, il parla
d’une première ébauche du problème du génocide enfin de sensibiliser les
Belges pour quelque chose qu’il ignorent, en organisant le colloque
selon une logique où le droit et l’histoire sont évoquées, puis la
reconnaissance des victime et les dangers du négationnisme, avant la
mise en évidence des événements, qui seront développés le second jours.
Ainsi,
le premier jour
a été consacré à des questions de principe pour éclairer le public
sur les notions qui dominent dans
cette
problématique.
Yves Ternon (Université Paul-Valéry, Montpellier) parla de « Crimes contre l’humanité, génocide. Deux infractions spécifiques du
droit pénal international
». Il montra que le droit pénal international s’est constitué progressivement au XIX
e siècle
de la volonté des États de contrôler les effets de plus en plus
destructeurs des guerres européennes et américaines. Il fallut en
priorité nommer les infractions et les distinguer. Ce fut un long
travail que préparèrent les juristes internationaux au
cours
de conférences où, progressivement, s’invitèrent des États. Les débats
s’ouvrirent d’abord sur le concept d’humanité, perçu souvent de façon
contradictoire. Il développa l’histoire de la constitution de l’idée de
génocide et des formulations actuelles, fondée sur les différentes
formes de crimes, dont le génocide met ne scène une action par
intention.
Pieter Lagrou (Université Libre de Bruxelles)
développa la complexité historique avec le thème : « La dissolution de
l’Empire Ottoman. Violences, nationalismes et géopolitique entre
nomenclature juridique et compréhension historique ». Il considéra que
l’historien doit mettre entre parenthèse les jugements de valeurs
concernant les massacres et les génocides, même s’il a une opinion
là-dessus, pour analyses les faits
dans
toutes leurs
dimensions
.
Le danger, dit-il, est de faire une histoire en ciseaux, c’est-à-dire
en isolant les faits, pour choisir ce qui convient à tel tendance ou à
une autre. Par une mis en scène des différents événements, il reste
toujours un espace où l’on peut ménager dans la suite, l’espace d’une
entente possible.
Evelyne de Mevius (Consultante à l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche),
développa « La question de la reconnaissance des victimes ».
Spécialiste du génocide arménien, elle transposa les mêmes analyses sur
le génocide grec. Elle considère que si la discussion sur la
reconnaissance du crime subi par les Grecs de l’Empire ottoman est
aujourd’hui bloquée, ce n’est pas uniquement en raison d’un désaccord
sur le nom, mais à cause d’un conflit argumentatif
dans
lequel chacune des parties veut avoir, de son point de vue, raison. Or,
à maintenir le débat dans ce registre argumentatif où s’opposent deux
positions irréconciliables que l’on se contraint à ne pouvoir trouver
aucune issue au problème de la reconnaissance de ce crime et partant,
de ses victimes. Au contraire, il faudrait ouvrir la discussion aux
registres du discours qui admettent des sensibilités et des logiques qui
ne sont pas celles de l’argumentation ; ouvrir la
communication
à l’histoire de l’autre ainsi qu’à la sienne propre, peut permettre
d’offrir – non pas immédiatement une résolution - mais à tout le moins
une relecture du passé qui dégage des potentialités de réconciliation.
De Mevius pense au registre de la narration, c’est-à-dire du vécu de
l’événement et du récit que chacun s’en fait, et au registre de
l’interprétation, comme ce qui relie les faits entre eux et leur donne
du sens. Pris ensemble, les registres de la narration, de
l’interprétation et de l’argumentation sont au cœur de ce que le
philosophe Jean-Marc Ferry nomme la reconstruction. Le but final est
ainsi de réaliser une reconstruction qui conforte les victimes et leurs
descendants.
Edouard Delruelle (Université de Liège)
reconnut qu’il ne connaissait rien de cette histoire du génocide des
Pontiques avant que Lambros Couloubaritsis lui demanda de collaborer à
ce projet, du fait que pour avoir des subsides, il faut que deux
universités belges au moins s’y associent. Mais comme il a dirigé un
organisme sur l’égalité des chances et contre le racisme,
dans
un pays où il y a 200.000 Turcs et encore plus d’Arabes, il s’est
intéressé sur le négationnisme. Il développa ainsi ce thème, et proposa
une extension qui va au-delà de l’extermination des Juifs. D’où le
thème : « Les législations contre le négationnisme et la question de
leur extension ». Cette
communication
est ainsi également un travail pédagogique à l’égard des immigrés, qui
la plupart du temps ignorent qu’il y a des lois en Belgique et ailleurs
en Europe contre les négations des génocides. Les connaître est une
question de civisme.
Mark
Hunyadi (Université Catholique de Louvain) fit la synthèse des travaux du premier
jour
en insistant sur la notion de « points de vues » différents pour cerner le problème du génocide des Grecs et sur son actualité.
Le deuxième jour
a été consacré plus spécialement sur le génocide des populations
grecques de la mer Noire et plus généralement des Grecs dans leur
ensemble. En l’absence de Theophanis Malkidis, qui n’a pu se rendre à
Bruxelles, c’est Lambros Couloubaritsis qui présenta sa
communication
(« Le génocide des Grecs et la communauté internationale), qui fit
l’histoire des différents génocides qui se succédèrent. Contrairement à
une thèse défendue par les Turcs, qui séparent la période des jeunes
Turcs de celle de Kemal, il montre la continuité, et donc la
responsabilité de ce dernier également pour la période 1908-1915,
lorsqu’il était membre du Comité Union et Progrès. Malkidis mit
également en évidence les succès internationaux quant à la
reconnaissance qu’il y a eu génocide.
Tessa Hofmann (Université Libre
de Berlin),
une des meilleures spécialistes dans ce domaine, parla du « Génocide
contre les Grecs Ottomans : Faits, Conséquences, Interprétation ». Sa
contribution est basée sur la thèse selon laquelle la destruction des
populations grecques de la région de la mer Noire fait partie d’une
politique de l’état pour détruire la population chrétienne dans l’Empire
Ottoman. Dans le cas de la population grecque orthodoxe qui apparaît
comme le
millet le plus étendu la destruction couvre les
dernières décades de la gouvernance Ottomane à partir des guerres
balkaniques, qui constitue l’événement crucial qui commença le « voyage
du génocide ottoman » avant, pendant et après la Grande Guerre de
1914-1918. Elle montra que dans le discours académique courant
concernant le génocide durant le règne tardif Ottoman, les événements
sont habituellement perçus comme le résultat d’un processus profond en
vue d’édifier un état moderne qui inclut une « construction
démographique », c’est-à-dire une mono-ethnisation d’un état Ottoman qui
fut auparavant multi-religieux et multi-ethnique. Or, dit-elle, dans ce
processus, la religion — Islam ou Christianisme — jouèrent un rôle
prédominant comme des marqueurs d’appartenance. Au même moment, la
destruction des populations chrétiennes indigènes de l’Asie Mineure et
de la Mésopotamie du Nord prend la qualification d’un « religiocide ».
La connotation religieuse spécifique de la construction, de la
transformation et du génocide de l’état national turc dans le pays qui
est devenu la République Turque en 1923, explique aussi pourquoi les
méthodes appliquées demeuraient d’une façon prédominante « médiévales
», ou « atroces », provenant du répertoire traditionnel des méthodes
jihadist :
dépossession complète des victimes, affectations des femmes et des
enfants qui étaient réduits à l’esclavage, sélection de garçons âgés
plus de 12 ans, et une
liquidation
en quatre étapes par déportation, par esclavage, par conversion forcée
et massacres. Enfin Tessa Hofmann souligne les principales raisons des
manquements dans la perception académique du problème du génocide 1)
Manque d’information et sa diffusion, 2) manque d’un savoir juridique,
3) manque de consistance méthodique et 4) conception exclusive du
génocide.
La chercheure américaine
Jennifer Reilly Kellogg a développé la présences des populations pontiques aux Etats Unis d’Amérique et la façon dont elles commémorent le génocide.
Theodosios Kyriakidis, chercheur travaillant aux
Archives du Vatican, mis en scène des lettres de missionnaires
catholiques pendant cette épriode qui relatent les événements de
l’époque, notamment les persécutions et les massacres qui dénotent
l’existence d’un véritable génocide.
Lambros Couloubaritsis fit une analyse de la
souffrance en montrant qu’il existe des douleurs physique et des
souffrance psychologique et morale, et précisa que dans le problème des
massacres et des génocides la souffrance morale domine, avec une
dimension de souffrance générationnelle. IL indiqua que si la souffrance
est absolument singulière (elle appartient à l’être souffrant) celui-ci
la diffuse en faisant appel à une réponse. La question de la
reconnaissance appartient à cet appel. Mais dès lors que ces souffrance
sont celle de crimes passées, elles se transmettent de génération à
génération d’une façon transfigurées, voire défigurées, ce qui modifie
également le statut de la reconnaissance. Dans le cas de la Turquie,
dit-il, le problème est que l’irruption de l’Etat des jeunes Turcs
contre le système archaïque Ottoman s’est fait sur un principe d’égalité
mal choisit : celui de l’assimilation plutôt que celui de la république
française qui situait un monde commun avec la privatisation des
cultures et des religions, respectées dans leurs identités propres. Or,
pareille politique ne peut qu’exclure ceux qui ne se soumettent pas à
cette égalité/ identité ce qui aboutit fatalement à des massacres et à
des génocides. Or, la peur de reconnaître ces crimes tient dans le fait
que la Turquie a peut qu’en les reconnaissant elle reconnaîtrait que le
fondement de l’Etat Turc est fondé sur des crimes. Selon Lambros
Couloubaritsis, cela est un faux problème, car tous les Etats de la
planète ont été fondé sur des crimes, mais la plupart les reconnaissent
sans que cela ébranle leur identité. Ces reconnaissances permirent à une
déculpabilisation des descendants qui ne sont pas responsables de ce
que leurs ancêtres ont fait. De sorte que la reconnaissance devient
fonctionnelle, c’est-à-dire permet à une ouverture vers un avenir
démocratique. Par conséquent, le négationnisme est une mauvaise position
qui n’aide pas l’avenir de la Turquie, alors que la reconnaissance, qui
expie les souffrances, rend justice à une situation inextricable.
Baudouin Decharneux fit la synthèse de la seconde
journée et constata, en vertu de ce qu’il entendit, qu’il y a eu
effectivement génocide. Il conclut que la Grèce est l’héritage commun de
l’humanité et, par conséquent, elle est une Idée qui nous guide.
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