Global Research, décembre 11, 2012
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http://www.mondialisation.ca/lart-de-la-guerre-le-f-35-desequilibre-le-budget/5315090
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Une écrasante majorité bipartisane (sauf l’IdV, Italia dei Valori), en modifiant l’article 81 de la Constitution, a fait de l’Italie une république fondée sur l’équilibre du budget, dans laquelle la souveraineté appartient au marché[1]. L’Etat, récite le nouveau texte, assure l’équilibre entre les recettes et les dépenses de son bilan, en tenant compte des phases du cycle économique. Il y a cependant un problème : comment fait-on pour assurer l’équilibre si on décide une dépense sans savoir à combien elle se monte ? La question doit être transmise aux onorevoli[2] qui ont approuvé la modification de la Constitution, car ce sont eux aussi qui ont approuvé l’acquisition des avions de chasse étasuniens F-35. Sans savoir combien ils finiraient par coûter. Ils ont d’abord cru (ou fait semblant de croire) les bonimenteurs de Lockheed qui parlaient de 65 millions de dollars par avion. Mais il y avait une combine : c’était le prix de l’avion « nu », sans même le moteur. Ils ont ensuite cru (ou fait semblant de croire), les onorevoli, le ministre de la défense Di Paola, le plus grand soutien du F-35 : au parlement il a raconté que chaque avion de chasse coûtera dans les quatre-vingt millions de dollars, mais on s’attend à ce que le chiffre soit de plus en plus bas. Et quand le gouvernement Monti a décidé de « recalibrer » l’achat des F-35 de 131 à 90 unités, les onorevoli se sont réjouis de l’épargne ainsi obtenue. Elle aussi non quantifiable, le coût réel de l’avion demeurant dans les nuages.
Quelque pays cependant (certes pas l’Italie) s’est activé pour faire la lumière sur le mystère. Au Canada une société de services professionnels a été chargée d’estimer les coûts d’une flotte de 65 F-35. Pour l’achat est prévu un chiffre de 9 milliards de dollars (137 millions par avion), auquel s’ajoute une dépense opérationnelle de plus d’un milliard de dollars annuels. Détail ignoré par nos onorevoli : les avions de chassesont achetés non pas pour les exposer comme des modèles réduits, mais pour les faire voler. Sur l’exemple de l’estimation faite au Canada, on peut déduire que, pour garder opérationnels 90 F-35, on dépensera au moins un milliard et demi de dollars annuels. D’autres milliards devront être dépensés pour les modernisations et pour des systèmes d’armes de plus en plus sophistiqués. Sans parler de combien coûtera, en termes économiques, l’engagement les F-35 dans des actions de guerre, comme celle de l’an dernier en Libye.
Le voile du mystère commence donc à s’écarter. Si bien qu’en Italie, le Secrétaire général de la défense lui-même admet que le coût des premiers F-35 sera plus que doublé par rapport aux 80 millions annoncés. De plus l’Italie achètera, outre 60 avions de chasse à décollage conventionnel, 30 à décollage court et atterrissage vertical, beaucoup plus coûteux. Dans le budget 2013 du Pentagone on prévoit un coût unitaire de 137 millions, mais il s’agit encore de l’avion « nu » qui, une fois doté de moteur, avionique et armes, coûtera au moins le double. Données plus précises, mais incomplètes. Comme l’admet le secrétaire de la défense lui-même, en 11 années le coût du programme F-35 a augmenté selon une moyenne quotidienne de 40 millions de dollars. Rester dans le programme signifie ainsi signer un chèque en blanc, dont le chiffre continuera à gonfler.
Mais il n’y a pas de souci à se faire : l’équilibre de budget, désormais inscrit dans la Constitution, sera assuré en couvrant la dépense pour les F-35 avec les recettes, dérivant de nouveaux impôts et autres coupes dans la dépense publique.
Manlio Dinucci
Géographe et journaliste
Edition de mardi 11 décembre 2012 de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
[1] Les articles 1 et 81 de la Constitution italienne (1er janvier 1948) stipulent :
« Art. 1. L’Italie est une République démocratique, fondée sur le travail. La souveraineté appartient au peuple, qui l’exerce dans les formes et dans les limites de la Constitution. »
Art. 81.
Les Chambres adoptent chaque année les budgets et les comptes présentés par le Gouvernement.
L’exercice provisoire du budget ne peut être autorisé que par une loi et pour des périodes ne dépassant pas, globalement, quatre mois.
La loi d’adoption du budget ne peut prévoir de nouveaux impôts et de nouvelles dépenses.
Toute autre loi portant création ou aggravation d’une charge publique doit indiquer les moyens d’y pourvoir. »
[2] Honorables : titre protocolaire utilisé pour nommer les députés italiens, NdT.
Apostille de la traductrice pour la version française.
Concernant les surcoûts de nos avions de chasse et l’attitude de nos onorevoli [et journalistes] à nous (en France) :
« Projet de loi de finances pour 2013 : Défense : équipement des forces :
1. Le programme Rafale - sous-action 9*59
a) Déroulement du programme
La cible du programme est de 286 appareils (228 pour l’armée de l’air et 58 pour la marine) avec leurs équipements de mission et leur stock de rechange initial.
Avec la commande de la quatrième tranche en 2009, 180 avions ont été commandés à ce jour à l’industriel. 115 auront été livrés à la fin 2012 dont 80 pour l’armée de l’air (38 biplaces `Rafale B’ et 40 monoplace `Rafale C’) et 37 pour la marine (`Rafale M’). L’attrition a été de cinq appareils dont quatre Rafale Marine.
b) Coût du programme
Le coût total du programme pour l’Etat est de 44,2 Mds d'euros 2011. Le coût unitaire (hors coût de développement) est de 71,2 M d'euros 2011 pour le Rafale B (pour 110 avions) de 66,2 M d'euros 2011 pour le Rafale C (pour 118 avions) et de 76,1 M d'euros 2011 pour le Rafale M (pour 58 avions).
[Détail des appareils C, B et M sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Dassault_Rafale ].
c) Évolution du programme
L’avion Rafale a été largement sollicité dans le cadre de l’opération Harmattan. Les résultats confirment la pertinence des choix de conception effectués à la genèse du programme.
La mise en service opérationnel de la capacité nucléaire du Rafale standard F3 a été prononcée en 2010. Le premier avion de série équipé des capteurs de nouvelle génération a été livré en 2012.maintien d’une cadence de onze avions par an, jusqu’à 2016 inclus. »
Détail des commandes et suite du rapport (sauf « secret défense » d’usage) sur le site :
Voir aussi :
« Les sénateurs réévaluent le prix du Rafale (5 décembre 2011)
Par Guillaume Lecompte-Boinet
« L’avion de combat de Dassault, qui vient d’essuyer un échec en Suisse, coûte plus cher que prévu : son prix unitaire atteint désormais 152 millions d’euros, compte tenu de l’inflation et des nouveaux développements comme le standard F3.
C’était passé inaperçu. Mais dans le rapport présenté le 17 novembre dernier par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2012, mais récemment révélé, les auteurs du document, Xavier Pintat et Daniel Reiner, donnent de nouveaux chiffrages sur le programme Rafale.
Le coût total du programme, actualisé aux prix de 2011, est de 43,56 milliards d’euros pour l’Etat avec le développement”, indiquent les sénateurs. Et non plus de 40,7 milliards lors de la dernière évaluation. Ce qui porte donc le prix unitaire d’un Rafale payé par la France à 152 millions d’euros (pour 286 appareils), contre 142 millions auparavant. » Etc.
Ou bien, l’explication pudique des Echos (1er février 2012) :
« Le Rafale, au-delà des idées reçues.
L’avion de combat de Dassault vient de réaliser sa première percée à l’exportation en gagnant l’appel d’offres indien portant sur 126 appareils. Gouffre financier ou réussite industrielle ? Vingt-cinq ans après son premier vol, le Rafale en cinq questions…
[...] Quel est son coût [?
La question est complexe [sic], car un programme d’armement comme le Rafale accumule sur plusieurs décennies coûts non récurrents, liés au développement initial, et récurrents, liés à la fabrication en série. Avec, entre les deux, des évolutions technologiques prévues ou non, des achats de pièces de rechange ou encore des compléments de formation. Sans oublier les évolutions du prix des matières premières. »
Le prix des pièces de rechange, de la formation et des matières premières, c’est imprévisible ; et ça ne se discute pas. Les coûts opérationnels, non plus.
Les « idées reçues », oui, grâce à nos media vigilants.
La situation des prospects export a rendu nécessaire l’anticipation de la livraison d’avions à la France. Le calendrier de livraison prévoit désormais le
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