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Τρίτη 17 Ιουνίου 2014

Le chaos en Irak: Le Nouveau Moyen-Orient en actes




«Nous avons amené la torture, les bombes à fragmentation, l’uranium appauvri, d’innombrables assassinats commis au hasard, la misère, la dégradation et la mort au peuple irakien, et on appelle ça apporter la liberté et la démocratie au Proche-Orient.»
Harold Pinter, prix Nobel de littérature


Encore une fois le peuple irakien traverse une tourmente effroyable qui a démarré il y a quelque trente-quatre ans de cela avec la guerre Iran-Irak qui a fait des centaines de milliers de morts dans les camps. C’était le premier conflit réorganisateur avant la lettre du Moyen-Orient. Bien avant les prophéties de Samuel Huntington, les conflits religieux chiite- sunnite étaient savamment entretenus par l’Occident qui avait deux fers au feu. Il ne faut jamais oublier que ce sont les Américains qui ont vendu des armes aux Iraniens (fameux Irangate, avec le lieutenant-colonel North) et dans le même temps la France livrait des Mirages à Saddam Hussein.
Les mêmes Mirages qui lui ont servi à gazer les Kurdes à Hallabja et qui ont été invoqués comme motif pour son ignominieuse pendaison un jour de l’Aïd El Adha sous le règne sanguinaire et actuel de Nouri Al Maliki. L’Irak, berceau de la civilisation sumérienne (IIIe millénaire av. J.-C.), chez laquelle on retrouve les cités-États de Mésopotamie, en particulier Babylone. Au viie siècle, Baghdad devient la capitale du califat islamique et une des plus grandes villes du monde, au grand rayonnement intellectuel. Au cours de la Première Guerre mondiale, l’Irak est conquis par les Britanniques. Le partage de Sykes-Picot est en train d’être remis en cause par les peuples. Un nouveau Moyen-Orient va émerger.
Le Nord sunnite de l’Irak aux mains de l’Eiil
L’avancée fulgurante de l’Eiil a fait l’objet d’un surdimensionnement médiatique. Il est vrai qu’il avance sans opposition: «Dans tout le Nord sunnite de l’Irak écrit Christophe Ayad, c’est la débandade. L’armée et la police fuient sans même combattre devant un ennemi dix fois inférieur en nombre. L’Eiil s’est emparé de dépôts d’armes lourdes et même d’hélicoptères et d’avions de chasse. L’armée s’est retranchée dans la capitale, Baghdad, dont les djihadistes sont à moins de 100 km et qui semble être leur objectif. Ce groupe, formé en 2007, est en passe de réussir son pari qui consiste à prendre le contrôle de la partie sunnite de l’Irak pour en faire un califat «islamiquement pur» au coeur du Monde arabe. (…)»
Christophe Ayad en exégèse parle d’un Califat: «Lorsque le dernier soldat américain quitte l’Irak fin 2011, l’Eiil repasse à l’offensive (…) Implanté dans les deux pays (Syrie et Irak), l’Eiil est en train de s’y tailler un «Sunnistan», entre le Nord kurde et le Sud chiite de l’Irak. Ce «pays», qui dispose de ressources pétrolières propres, s’étend de l’autre côté de la frontière syrienne, jusqu’à Alep, Rakka et Deir ez-Zor. Ce nouveau califat ne manquerait pas d’être une menace mortelle pour l’Arabie Saoudite. Il inquiète également la Turquie.»(1)
Les réactions
La plus inattendue est celle de l’Iran qui curieusement se trouve du côté occidental pour combattre des Sunnites et donc indirectement elle est contre l’Arabie Saoudite qui, elle, est protégée par les Américains! Le président Hassan Rohani a indiqué, jeudi, que l’Iran «luttera contre la violence et le terrorisme» des rebelles djihadistes sunnites, sans donner toutefois de détails sur les actions que pourrait entreprendre son pays. Les rebelles «se considèrent comme des musulmans et appellent leur combat ´´la guerre sainte´´», a regretté le président iranien lors d’un discours retransmis à la télévision d’Etat, dénonçant les «actes sauvages» contre la population perpétrés par «un groupe extrémiste et terroriste». Mercredi, le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, avait condamné et apporté le soutien de l’Iran «au gouvernement et au peuple irakien pour lutter contre le terrorisme».
Selon le Times, l’Iran a envoyé des forces spéciales et des troupes d’élite pour renforcer les troupes irakiennes mises en déroute par l’Eiil. Alors que les positions des djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (Eiil) se renforçaient vendredi 13 juin en Irak, le président américain Barack Obama a fait un point sur la situation depuis la Maison-Blanche. Des attaques ciblées par des drones font partie des options envisagées. Présents à moins de 100 km de Baghdad, les djihadistes avançaient vers une ville aux rues quasi-désertes et aux commerces fermés, à partir de la province d’Al-Anbar à l’ouest, de celle de Salaheddine au nord et de celle de Diyala à l’est.(2)
Avec la débandade des forces armées, des milliers de djihadistes ont réussi à prendre depuis mardi Mossoul et sa province Ninive, Tikrit et d’autres régions de la province de Salaheddine, ainsi que des secteurs des provinces de Diyala et de Kirkouk. Ils contrôlent depuis janvier Fallouja, à 60 km de Baghdad. (…) Nouri Al-Maliki, un chiite honni par les rebelles sunnites et dénoncé comme un autocrate par ses détracteurs sunnites et même chiites, a appelé les tribus «à former des unités de volontaires» pour venir en aide à ses forces. Le chef de la diplomatie irakienne, Hoshyar Zebari, a par ailleurs admis que les forces de sécurité s’étaient «effondrées», notamment à Mossoul: «C’est la même débandade que ce qui s’est produit dans les rangs de l’armée irakienne lorsque les forces américaines sont entrées en Irak [en 2003]. Les soldats ont enlevé leurs uniformes militaires, enfilé des habits civils et sont rentrés chez eux, abandonnant leurs armes et leurs équipements.»
Que vont faire les Américains?
 «Les Etats-Unis vont-ils se réengager en Irak?» écrit Corrine Lesnes. Barack Obama n’a exclu «aucune option»,. L’Irak va avoir besoin de plus d’aide de la part des Etats-Unis et de la communauté internationale. Notre équipe de sécurité nationale étudie toutes les options.» M.Obama a souligné qu’il y a «un enjeu» pour les Etats-Unis à «assurer que ces djihadistes ne s’installent pas de façon permanente en Irak, ou en Syrie d’ailleurs». ((…) Les huit années de guerre ont fait plus de 4 400 morts américains pour un coût de 800 milliards de dollars (590 milliards d’euros). Lorsqu’il était candidat à la Maison-Blanche, M.Biden avait été critiqué pour avoir suggéré la partition de l’Irak en décembre 2006. (…) Depuis dix ans, l’Irak est le noeud de divergences irréconciliables entre ceux qui étaient favorables à l’invasion et ceux qui estiment que les Etats-Unis ont assez donné. Ceux-là trouvent que M.Maliki, en refusant de partager le pouvoir avec les sunnites, a creusé sa propre tombe.
«Pourquoi faudrait-il encore sauver Maliki?», a interrogé un ancien officier sur CNN. (…) Chef de file démocrate à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi s’est déclarée opposée à des bombardements. «Et quoi, après?, s’est-elle interrogée. C’est la politique erronée qui nous a menés sur ce chemin il y a onze ans.» (3)
La faute originelle: la haine anti-sunnite de Nouri al-Maliki
Pour se maintenir au pouvoir, Nouri al-Maliki écrit Gilles Meunier, est prêt à enflammer tout l’Irak. Ne parvenant pas à prendre Falloujah la rebelle, il a appelé le 29 mai dernier «tout le monde» à «s’unir dans les rangs du djihad pour lutter contre ISIS (Etat islamique en Irak et au Levant – Daash, ndlr) et ses ramifications, ainsi que les conspirateurs qui manipulent le sort des gens d’Anbar». En clair, son appel au djihad revenait à éliminer physiquement ses opposants sunnites, car ses partisans ne font pas le détail. Le 11 juin, la déclaration d’Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de Daash, appelant les djihadistes sunnites à «marcher sur Kerbala et Najaf». Le Grand ayatollah Ali al-Sistani a répondu à Daash, le vendredi 13 juin, par la voix de Abdul Mehdi al-Karbalai, son représentant à Kerbala, en appelant «les citoyens et combattre les terroristes à défendre leur pays, leur peuple et leurs lieux saints et se porter volontaires et s’enrôler dans les forces de sécurité pour mener cet objectif sacré.» (4)
La nébuleuse Eiil
« La province de Ninive écrit Gilles Munier, n’a pas été prise uniquement par les djihadistes de l’ «Etat islamique en Irak et au Levant)», mais par une coalition d’opposants sunnites armés comprenant des membres de tribus hostiles au régime de Baghdad, d’anciens officiers, sous-officiers et soldats de l’armée irakienne dissoute par Paul Bremer, des combattants soufis – notamment de la confrérie Naqshbandiyya – ainsi que par des militants bassistes, islamo-baasistes ou nationalistes irakiens. L’union faisant la force, les opposants sunnites ont mis pour un temps de côté leurs différends politiques et religieux, et coordonné leurs activités au sein de Conseils militaires révolutionnaires. Objectif: Renverser Nouri al-Maliki. Les djihadistes sunnites ont maintenant des chars, des véhicules de transports blindés, des Humvees et même des hélicoptères Blackhawks récupérés dans les bases désertées par les troupes du régime. De plus, on estime à 429 millions de $ le montant des sommes confisquées par les «insurgés» dans les banques de Mossoul». (5)
Nasser Kandil, directeur de TopNews ne dit pas autre chose quand il écrit: «En Irak, l’armée régulière a vacillé et les villes de deux provinces, Ninawa [Ninive] et Salah ad-din, sont rapidement tombées devant l’avancée de Daech [Eiil: État islamique en Irak et au Levant], alors même qu’il perdait ses positions dans la région d’Al-Anbar. Cette nouvelle donne s’est produite grâce à la complicité de certains éléments de l’armée de l’ancien régime irakien et de partisans, dirigés par Izzat al-Douri qui les ont rejoints. Lequel, Izzat al-Douri, a troqué sécularisme et nationalisme contre une sienne armée qu’il nomme «Naqchbandi» dont la mission première est de combattre «la tutelle chiite et l’occupation iranienne de l’Irak», contre monnaie sonnante et trébuchante venue de l’Arabie Saoudite et du Qatar, alors que la Turquie se contente de lui assurer de quoi «camper» sur son territoire».(6)
Cette attaque surprise de «Naqchbandi», parrainée par la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar, vise à renverser la situation en Irak, Le but: rompre la continuité géographique des «alliés de la Résistance», sur l’axe Irak-Syrie-Liban, maintenant que Homs [Syrie] est libérée, afin de tenir de quoi négocier en agitant le spectre de «la partition de l’Irak». Autrement dit, un Irak tripartite fédéral contre une Ukraine tripartite fédérale en vertu d’une démographie similaire, parallèlement à la tentative d’entraîner le PKK dans la guerre en lui promettant un État kurde. La solution: une Fédération Irak-Syrie, qui inverserait les règles du jeu, en attendant de fédérer le Liban et la Jordanie…La partie d’échec se poursuit.» (6)
Ce que nous retiendrons des conséquences de la démocratie aéroportée
La troisième guerre du Golfe a commencé le 20 mars 2003 avec l’invasion de l’Irak (dite «opération Iraqi Freedom») elle s’est terminée le 18 décembre 2011 avec le retrait des dernières troupes américaines. L’invasion a conduit à la défaite rapide de l’armée irakienne, à la capture et l’exécution de Saddam Hussein et à la mise en place d’un nouveau gouvernement… Cette guerre aura duré 3207 jours, soit huit ans et neuf mois. En janvier 2012, Iraq Body Count, estime que 105.052 à 114.731 civils irakiens sont morts dans les violences, constituées essentiellement d’attentats, et au moins 250.000 civils irakiens auraient été blessés, la revue scientifique The Lancet a, dans une seconde étude publiée le 11 octobre 2006, estimé que le nombre de morts liés à la guerre était situé entre 426.369 et 793.663. Pour rappel, l’Irak avait un système éducatif et de recherche performant. Un célèbre dicton permet de situer le niveau intellectuel «Les livres étaient rédigés en Egypte, imprimés à Beyrouth et lus en Irak».
Résultat des courses: après la guerre il y eut 12 ans d’embargo et dans le programme «Pétrole contre nourriture», cet embargo s’est soldé par la mort de 500.000 enfants irakiens des suites de la maladie et de la malnutrition: «Ce n’est pas cher si c’est le prix à payer pour faire partir Saddam», disait Madeleine Albright secrétaire d’Etat de Bill Clinton. Les dommages aux infrastructures civiles sont immenses: les services de santé sont pillés. Le patrimoine culturel est en miettes Les tensions religieuses sont exacerbées.
Marie Le Douaran a raison d’écrire que pour plusieurs observateurs, les causes de cette crise se trouvent dans l’intervention américaine de 2003. (..) Aux Etats-Unis, des voix politiques font également ce lien de cause à effet. L’ancien républicain Lincoln Chafee, le seul de son groupe au Sénat à s’être opposé à l’intervention en Irak, estime que George W. Bush a «remué un nid de frelons» en Irak et déclenché les divisions sectaires qui se jouent actuellement. Ce que nous voyons, c’est (…) un produit dérivé, même involontaire, de notre invasion.» (7)
Avec élégance, Badia Bendjelloun résume le drame du Proche-Orient. «On peut, écrit -elle, verser parmi les autres bienfaits du remodelage du Proche et Moyen-Orient, les enfants nés avec des malformations congénitales avec une fréquence anormalement élevée lorsque leurs parents ont été exposés à l’uranium appauvri,(…) La séquelle peut-être la plus douloureuse pour la nation irakienne est cette Constitution rédigée par des avocats de New York qui consacre le principe de l’éclatement du pays en trois zones ethniques et confessionnelles avec autonomie politique et économique, singulièrement sur les ressources énergétiques. (…) Pas un jour ne se déroule sans qu’un attentat – d’origine sectaire ou non, rappelant les années noires qu’a vécues l’Algérie juste après 1991 dans une coïncidence chronologique curieuse – ne fasse plusieurs dizaines de morts (..) Dès les premiers mois de l’occupation de l’Irak, la menace sur la Syrie s’est exprimée d’abord sous la forme de la résolution 1559 négociée entre la France par la voix de son ambassadeur Jean-David Lévite et les US(a) avec son homologue pour le Moyen-Orient Elliot Abrams. (…) À l’automne 2003, de nouvelles sanctions américaines sont prises à l’encontre de la Syrie au titre du «Syrian Accountability Act». (8)
L’Irak une des plus brillantes civilisations que l’humanité ait connues sombre dans un chaos qui, à moins d’un miracle, semble être parti pour durer. Tout ceci pour, en définitive, une mainmise sur des matières premières -L’AIE rassure, le pétrole continuera à couler- Cette décomposition est programmée de longue date par les néoconservateurs étasuniens: les dirigeants politiques occidentaux ne comprennent pas que le monde est complexe et plus que jamais interdépendant.  Même si l’armée reprend l’initiative grâce à l’aide des Américains qi ont leur porte-avion- ironie du sort , appelé  Georges Bush père-  positionné  dans golfe, l’effet papillon à a plus que jamais sa signification. Ce ne sont pas les exemples d’ingérences qui manquent de Mossadegh à Lumumba, de Allende à Saddam, à Kadhafi. Les ennemis d’hier sont les amis d’aujourd’hui avant de redevenir  les ennemis de demain. Business as usual.
Professeur Chems  Eddine  Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
2.Le Monde.fr avec AFP et Reuters 14.06.2014
3.Corine Lesnes: La décomposition de l’Irak tétanise l’Amérique Le Monde 13.06. 20014
5.Gilles Munier: La guerre éclair djihadiste contre Nouri al-Maliki 13 Juin 2014,
8.Badia Benjelloun http://www.dedefensa.org/ article Cela_fait_dix_ans_19_03_2013.html

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