Ceci étant dit, la comparaison des deux cas en tant que modèle d’une ingérence régionale et internationale sur la scène moyen-orientale, doit tenir compte du point de vue stratégique et des cartes du camp adverse, jusqu’à ce que la situation devienne plus claire et que les paris cessent.
Dans le cas du président syrien où le jeu régional consiste à intervenir directement pour le changement systémique d’un État souverain et indépendant, l’ingérence est « stratégique ». En revanche, dans le cas du Général Aoun l’ingérence des États régionaux est « tactique et interne », d’où la possibilité de manœuvres, de pauses et de contournements à répétition, mais toujours dans un cadre restreint et limité.
En effet, les paris qui ont empêché le processus politique en Syrie sont, dans une moindre mesure, les mêmes paris qui empêchent l’accession du Général Aoun à la présidence. Dans les deux cas, le facteur régional est présent, avec la différence que le jeu est direct sur la scène syrienne mais indirect sur la scène libanaise, les acteurs étant les alliés locaux des mêmes États avides d’un changement à Damas.
Par conséquent, l’accession du Général Aoun à la présidence est une carte hostile pour l’ensemble de la coalition ennemie, car elle signifie qu’il n’inquiétera pas le Hezbollah et respectera la relation avec la Syrie ; cette même Syrie dont il a exigé le départ quand elle était au Liban, mais à l’égard de laquelle il s’est conformé aux normes diplomatiques et internationales entre pays voisins une fois partie, mettant fin à des années d’affrontements ; alors que d’autres n’ont pas démontré son sens des réalités et lui ont déclaré une guerre ouverte dès son retrait.
En d’autres termes, l’accession du Général Aoun à la présidence serait une nette victoire d’une coalition contre l’autre, situation rarement atteinte au Liban du fait qu’elle pourrait mener, par étapes successives, à échapper aux compromissions et à la distribution des rôles entre inféodés aux influences régionales.
Les États régionaux exerçant leur influence au Liban savent que l’accession à la présidence d’un chef chrétien signifie l’espoir et la consécration de la présence des chrétiens au Moyen-Orient ; ce que les grandes puissances ne veulent pas depuis qu’elles ont étudié et planifié les avantages de leur exode pour leur projet de partition des pays de la région, dès que le moment sera opportun, au profit d’Israël et de ses tentatives de judaïsation revenues sur le devant de la scène, ainsi qu’au profit d’une escalade militaire dans des zones de combat où la présence chrétienne s’est révélée embarrassante vu la sympathie qu’elle a suscitée à travers le monde.
Ceci, sans oublier l’image civilisée et démocrate que donnera le Liban en tant que modèle de coexistence aux pays arabes du monde dit islamique, une image que ces grandes puissances travaillent à détruire dans tous les pays arabes pour la remplacer par celle du terrorisme ; lequel sera, de surcroit, l’unique souci des gouvernements des pays ainsi sinistrés.
Parier sur la chute du président Bachar Al-Assad s’est révélée inutile du fait de sa solidité et de la solidité de ses alliés déterminés à le soutenir et convaincus de sa réelle assise populaire, de sorte que le crédit politico-militaire qu’ils lui ont accordé est largement justifié. C’est en tout cas en ces termes que s’est exprimé un diplomate russe de haut niveau : « Ce fut une erreur d’abandonner la Libye devenue un foyer du terrorisme. Il n’est pas question que cela se répète en Syrie forte de son armée, de son président et de son peuple ».
Il en est de même au Liban où les alliés du Général Aoun le soutiennent en raison de la forte adhésion populaire qu’il suscite dans tout le pays, au point que son principal allié, qui n’est autre que le Hezbollah, considère que ne pas céder à ce qui empêcherait sa candidature ou toute autre candidature qu’il approuverait en personne, est une affaire personnelle.
Dernièrement, la ténacité des alliés de Bachar al-Assad a amené les acteurs internationaux à admettre qu’il était la seule force sérieuse en Syrie. Les déclarations de John Kerry invitant à ne pas insister sur son départ « dans un délai précis », suivi par Laurent Fabius, et avant eux les prises de position espagnole, autrichienne et britannique, confirment que la solution politique approche en Syrie.
Le Général Aoun, sûr de ses alliés et conscient que leur adhésion est d’ordre moral, reste serein. Cependant, comme le président Al-Assad, il devra peut-être attendre qu’on reconnaisse sa valeur, ses droits ainsi que sa réelle popularité, et donc la légitimité de sa candidature, à partir du moment où le changement de la donne internationale en faveur de la Syrie se sera concrétisé.
D’ici là, il semble que se débarrasser du Général reste à l’ordre du jour et que les séries de tentatives pour l’écarter de la présidence continuent de plus belle. Récemment des informations, fuitées à partir de pays du Golfe, ont indiqué que le « Groupe du 14 Mars » avait suggéré l’idée de la candidature de M. Sleiman Frangié, faisant valoir que ce choix serait plus acceptable et plus réaliste, car il serait capable de rassembler toutes les voix contestataires des adversaires du CPL et du Général Aoun ; suggestion qui ne tient pas la route puisque, sur l’échelle régionale, M. Frangié est encore plus proche du Hezbollah et du président Al-Assad.
Le Général a parfaitement compris que cette diversion cherchait non seulement à torpiller l’unanimité des forces en faveur de sa candidature dans le but de démoraliser ses partisans, mais aussi pour éliminer plus facilement M. Frangié lui-même et proposer une autre alternative, une fois qu’ils auraient réussi à les diviser.
Une initiative intelligente de la part du Groupe du 14 Mars qui semble ne pas avoir échappé à M. Franjié non plus, puisqu’il a déclaré qu’il n’était pas « le candidat des manœuvres » de quiconque.
Finalement, les tentatives qui cherchent à écarter le Général Aoun et le président Bachar al-Assad sont pratiquement les mêmes parce qu’elles ont les mêmes visées stratégiques.
Entretemps, le Liban est « en attente » jusqu’à ce que les négociations internationales en décident autrement. Seront-elles en faveur de Michel Aoun au Liban, comme elles sont devenues en faveur de Bachar al-Assad en Syrie ?
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