Alors que les pays du Golfe sont bien
plus proches de la Syrie que ne l’est l’Europe, des milliers de Syriens
font le choix de l’UE. Face à l’Eldorado européen accueillant, l’Arabie
saoudite et ses voisins présentent un visage violent et hostile à tout
migrant, susceptible d’introduire avec lui des idées subversives et
indésirables pour la stabilité de ces régimes.
Le père du petit Aylan Kurdi, retrouvé mort sur une plage turque. Crédit Reuters
La crise des migrants que traverse l’Europe concerne en grande partie des populations venues de Syrie et d’Afghanistan. Les Syriens notamment prennent la route des Balkans après être passés par la Turquie. Pourtant, les pays du Golfe sont géographiquement bien plus proches. Comment expliquer ce choix ?
Roland Lombardi : Tout d’abord, je tiens à apporter quelques précisions : dans la grave crise actuelle qui frappe l’Europe, il est vrai que
les migrants syriens sont les plus nombreux. Viennent ensuite les
Erythréens, puis les Somaliens, suivis des Afghans et des migrants de
l’Afrique subsaharienne.
Notons au passage que ces derniers, avec les
Erythréens et les Somaliens, avaient il y a quelques années comme
principales destinations la Libye, Israël et le Liban.
Aujourd’hui,
la Libye est dans le chaos, Israël a durci sa politique migratoire et le
Liban est “saturé” et sous tension. C’est la raison pour laquelle ils
se tournent à présent vers l’Europe. Ensuite, si ces derniers jours les
médias occidentaux se focalisent sur ces arrivées massives de pauvres
hères majoritairement syriens, irakiens et afghans dans les Balkans, il
ne faut surtout pas oublier que le sud de l’Italie et de l’Espagne
connaissent, eux aussi, la même pression migratoire, tout aussi
impressionnante et dramatique. Plus de 100 000 migrants sont arrivés
clandestinement en Europe depuis le début de l’année 2015. Selon
l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), basée à Genève,
environ 1 770 hommes, femmes et enfants sont morts ou disparus en
tentant la traversée de la Méditerranée depuis janvier. Soit 52% du
nombre total de morts sur l’année 2014, et d’après les données du HCR
citées par Frontex, 3 400 migrants ont perdu la vie ou ont disparu en Méditerranée
au cours de l’année 2014. Pour la seule période allant de juillet
jusqu’à la fin de l’année, le chiffre s’élève à 2 800 personnes.
Alors pourquoi, comme le suggère votre question,
tous ces malheureux, en grande majorité de confession musulmane,
choisissent l’Europe plutôt que les Etats du Golfe ? Car,
paradoxalement, malgré la proximité des cultures et des frontières entre
les lieux de crises (Syrie et Irak) et les émirats, il est plus
“facile” et surtout plus attirant de rejoindre l’Europe que les
pétromonarchies du Golfe. Même si dans la réalité tout est bien relatif,l’Europe
est toujours considérée comme un Eldorado, un pays de Cocagne. Un havre
de prospérité, de sécurité et de paix. Les politiques migratoires
laxistes de l’Union européenne depuis des années, les différentes aides
sociales et médicales accordées aux réfugiés (certes disparates
d’un état de l’Union à l’autre) le manque d’accord, de cohésion et de
coordination dans la gestion de cette crise sans précédent, et enfin,
les dernières hésitations et le désarroi des responsables européens,
complètement dépassés par les événements, n’ont fait qu’aggraver la
situation. Certaines déclarations officielles, parfois irresponsables et
déconnectées des réalités, ignorant les craintes légitimes des
autochtones, les tensions internes naissantes et surtout les graves
problèmes futurs de cohésions nationales au sein de l’Union, ne font
qu’augmenter « les effets d’appel » aux conséquences
catastrophiques. L’Allemagne, au mépris de l’avis de ses partenaires,
frileux comme la France ou carrément hostiles comme la Hongrie, s’est
même déclarée prête à accueillir près de 800 000 réfugiés…
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