Url de l'article:
http://www.mondialisation.ca/leuropillage-de-la-grece/5467121
http://www.mondialisation.ca/leuropillage-de-la-grece/5467121
Dans une intervention effectuée lors du colloque Democracy Rising qui
sest tenu à Athènes le 17 juillet dernier, léconomiste Costas
Lapavitsas a souligné le fait que le conflit autour de lendettement de
la Grèce nest pas celui dun État en butte à des dispositions purement
techniques et dépolitisées mais, bien au contraire, le révélateur dun
conflit de classes. En effet, a-t-il fait remarquer lors du référendum
du 5 juillet, les riches ont voté « oui » alors que les pauvres et
classes moyennes défavorisées ont voté « non ».
Une vérité accessible à tous et
pas seulement aux économistes. Nous savons aussi que la route sera
longue avant le retour de bâton qui permettra de tenir tête à
lobstination des riches à tout vouloir sapproprier. Pas besoin dêtre
économiste pour comprendre que les grandes lignes des traités qui
définissent lUnion Européenne et lEurozone sont avant tout les
dispositions qui donnent un caractère légal au pillage des États par le
capital privé.
En effet, à quoi bon avoir
supprimé les frontières si ce nest pour permettre la libre circulation
des capitaux ? A quoi bon avoir déréglementé si ce nest pour permettre à
ces mêmes capitaux de pénétrer dans des domaines auparavant protégés
comme le social ou lenvironnemental ? A quoi bon maîtriser linflation si
ce nest pour protéger les placements qui la craignent par dessus tout ?
A quoi bon avoir créé une monnaie unique si ce nest pour permettre aux
bénéfices réalisés par le capital de pouvoir être rapatriés sans crainte
de laisser des plumes dans le vent imprévisible des variations des taux
de changes (un fonds dinvestissement est rémunéré sur sa prestation
finale) ? Enfin, à quoi bon exiger encore et toujours plus de
privatisations si ce nest pour semparer enfin des profits autrefois
réservés aux entreprises publiques ? Le capital est un chasseur qui
chasse au bazooka sur des terrains parfaitement plats, déclôturés, sans arbres, sans un rocher derrière lequel ses proies pourraient se cacher, un level playing field offrant
une visibilité parfaite et surtout pas de cages, pas de réserves
dans lesquelles certaines espèces pourraient échapper à la dure règle
dun struggle for life reconverti
en chasse dopérette pour satisfaire les appétits féroces dun capital à
limage de ces dentistes, magnats ou rois imbéciles qui, le sang à la
bouche et des couteaux plein les yeux, ne cherchent quà détruire, sous
bonne garde car ils ne sont pas braves, tout ce que la nature a fait de
beau, de grand et dinnocent, cest-à-dire lexact contraire deux-mêmes. En
regardant bien ces possédés, on devrait voir les démons en essaims qui
leur sucent la cervelle.
Daprès Costas Lapavitsas, les
mesures prises par Tsipras sont injustes, ne serait-ce que parce que les
impôts vont subir une augmentation de 2% du PIB, « le gros des recettes
fiscales [venant] des impôts indirect », de la TVA, limpôt inégalitaire
par excellence puisque pesant sur les produits de première nécessité et
faisant retomber, de ce fait, sur les moins bien lotis, le poids des
impôts que les riches ne paient pas grâce aux cadeaux fiscaux quon leur
fait depuis 2001 et grâce à lévasion fiscale, ce couloir de liberté
ouvert, à dessein, par le système bancaire pour permettre aux
bienheureux de la mondialisation déchapper aux lourdes chaînes
étatiques. Loligarchie grecque peut vraiment dormir tranquille « sous
[les] vastes portiques que des soleils marins [teignent] de mille
feux »* car elle est, en plus, protégée par ses pairs européens. « Les
créanciers exigent notamment que limpôt sur la solidarité soit ramené de
8 % à 6 % maximum pour les revenus supérieurs à 500 000 euros »
(Guillot) ce qui, il faut ladmettre, est loin dêtre une mesure
révolutionnaire en prétextant quelle ironie ! que ce taux élevé
encouragerait les possédants à... lévasion fiscale. Un prétexte, un
classique, un de plus dans la série des prétextes qui, cousus
bout-à-bout, ont permis de façonner la tunique de lempereur, décrire
tous ces traités destinés à pérenniser et amplifier la rente des
puissants. Car tout nest quaffaire de rente.
Une vulgaire affaire de rente,
la mondialisation, assortie des contraintes nécessaires que sont les
pressions, la dette, les coups dEtats en couleur ou en noir et blanc,
les assassinats, les guerres et les exécutions médiatisées des tyrans
ennemis car il y a des tyrans amis comme Pinochet et ses cinquante
millions dormant dans les caisses de la banque Riggs. Elle est facile à
comprendre lHistoire puisquelle est léternel retour du pillard contre
lagriculteur, du pillard contre lartisan, du pillard contre le
travailleur, et quaujourdhui, derrière le rideau javellisé des traités,
cest bien le pillard qui guette, déguisé en capitaliste, et que rien
narrêtera, surtout pas nos discours, puisquil possède toutes les
violences, à commencer par celle des mots.
Mais lisez donc jusquau bout lintervention de Costas Lapavitsas.
Bruno Adrie
*Charles Baudelaire, « La vie antérieure », Les fleurs du mal, 1857
Sources :
« Lapavitsas Calls for Exit as the Only Strategy for Greek People », intervention de Costas Lapavitsas dans le cadre du colloque Democracy Rising, Athènes, 17 juillet 2015
Transcription en français de cette intervention sur www.okeanews.fr
Adea Guillot, « La Grèce et ses créanciers sopposent sur le niveau de taxation des plus riches », Le Monde, 31 juillet 2015
Photo : Mario Draghi,
vice-président pour lEurope de Goldman Sachs entre 2002 et 2005,
gouverneur de la Banque dItalie entre 2006 et 2011, président de la
Banque centrale européenne (BCE) depuis le 1er novembre 2011.
Δεν υπάρχουν σχόλια:
Δημοσίευση σχολίου