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Le 1er juin 2014, un jury international a condamné les entreprises minières canadiennes et l’État canadien
“pour avoir contrevenu à leurs obligations en regard au droit
international”. La première audience du Tribunal Permanent des Peuples,
sur l’Amérique latine, a eu lieu du 29 mai au 1er juin 2014 à Montréal,
Canada.
Il n’y a pas pire industrie que
l’industrie minière en ce qui a trait aux violations des droits
humains. Ce constat est celui-là même des compagnies minières. Cela
n’empêche pourtant pas les sociétés minières de jouir de l’appui
considérable du gouvernement canadien. Peu importe le parti au pouvoir,
le Canada, aime crier haut et fort qu’il se porte à la défense des
peuples opprimés et de la démocratie. Cette indignation est visiblement à
géométrie variable et le cas de l’industrie minière démontre à elle
seule l’hypocrisie canadienne sur le plan des droits humains.
Eldorado de l’industrie
extractive, le Canada est en grande partie responsable des crimes et
violations commises par ses entreprises en Amérique latine. En vertu de
divers traités dont il est signataire et compte tenu de la preuve
accablante de ces violations, le Canada et ses entreprises minières
devraient être poursuivis et sanctionnés. Cependant, ce qu’ont démontré
les audiences du Tribunal Permanent des Peuples
sur l’industrie minière canadienne en Amérique latine qui se sont
tenues du 29 mai au 1er juin dernier à Montréal, c’est que la justice
internationale est criminalisée et que grâce à la mondialisation
néolibérale et aux traités de libre-échange, il est beaucoup plus facile
pour les minières de poursuivre leurs opposants et leurs victimes que
l’inverse. « La pyramide des droits est détruite: le droit des
entreprises passe devant les droits humains », a résumé Ana Maria Suarez
d’ETO Consortium,
un groupe qui dédié à la protection des droits humains à l’application
des obligations extraterritoriales des États stipulés dans les principes
de Maastrich.
La politique étrangère du
gouvernement Harper relativement au secteur minier s’inscrit dans la
continuité des stratégies adoptées par les gouvernements antérieurs,
auxquelles se sont greffées de nouvelles politiques. Cette politique,
que les intervenants n’ont pas hésité à qualifier de « colonialiste »,
met en évidence les portes tournantes entre le public et le privé. L’un
des exemples mentionnés lors des audiences est celui de Brian Mulroney,
ancien premier ministre canadien, qui après avoir quitté ses fonctions,
est devenu membre du conseil d’administration de Barrick Gold, qu’il a
quitté récemment.
À l’heure actuelle, l’industrie
extractive se caractérise entre autres par une hausse des
investissements dans le secteur minier, une augmentation du prix de
l’or, ainsi que par une opposition de plus en plus importante aux
projets miniers. Le portait d’ensemble des minières en Amérique latine
est très sombre et les accusations envers le Canada et les sociétés
qu’il abrite sont graves et nombreuses :
On accuse le Canada :
-
d’avoir exercé une influence politique indue à travers son réseau
diplomatique pour favoriser l’industrie minière et de s’ingérer dans le
processus législatif des pays hôtes;
- d’utiliser l’aide internationale pour appuyer les politiques d’implantation de l’industrie au détriment des peuples;
- de soutenir économiquement et financièrement l’industrie extractive;
- de favoriser le développement de projets miniers spéculatifs
- d’empêcher les victimes des sociétés minières d’avoir accès à la justice
- de favoriser un contexte d’impunité pour les compagnies qui commettent des violations
- de bafouer le droit des peuples à l’autodétermination
La Canada, paradis fiscal des sociétés minières
C’est toutefois pour ces
tristes raisons que le Canada est le paradis du secteur minier. Si 75 %
des entreprises minières dans le monde sont enregistrées au Canada, ce
n’est pas un hasard. Alain Deneault, co-auteur du livre Noir Canada a
expliqué les principales raisons de ce phénomène. Il convient de
rappeler que M. Deneault a lui-même été victime d’une poursuite de 6
millions de dollars intentée par la compagnie Barrick Gold et qualifiée
de « poursuite abusive » par la Cour supérieure du Québec. Nombreux sont ceux
qui ont fait valoir que cette poursuite n’était rien d’autre qu’un
SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation, poursuite
stratégique contre la mobilisation publique, communément appelée
« poursuite-bâillon »).
M. Deneault a décrit le rôle de
la législation canadienne sur le secteur minier. Il qualifie le Canada
de paradis réglementaire et fiscal du secteur minier : « Les étrangers
viennent au Canada créer des compagnies minières pour profiter de la
législation et exploiter leurs entreprises à l’étranger. »
Il existe selon lui six raisons expliquant « le statut offshore du Canada » :
1-
Les modalités de divulgation prévues par la loi : il est facile pour le
secteur minier de mettre en valeur les gisements ce qui facilite la
spéculation. Les entreprises peuvent donner une valeur supplémentaire à
leur gisement mettant en valeur non seulement ce qu’elles comptent
extraire mais tout ce que le gisement contient;
2- Le soutien des investissements spécifiques dans le secteur minier par des programmes fiscaux;
3-
L’utilisation de la diplomatie pour appuyer des projets controversés :
l’État canadien met de la pression sur les gouvernements étrangers et
agit à titre de lobby officieux de l’industrie minière;
4-
L’appui à l’industrie sur le plan juridique : d’une part, il est
impossible de poursuivre les compagnies pour des dommages à l’étranger.
Le Canada invite les demandeurs à poursuivre les pays hôtes, où trop
souvent les institutions sont faibles. En revanche, il est facile pour
les compagnies minières canadiennes de poursuivre ceux qui les
critiquent;
5-
Le programme de propagande pour promouvoir les activités minières : si
une société cotée en bourse a son siège social au Canada et qu’elle est
impliquée dans de la corruption à l’étranger, elle n’est tenue de
divulguer des informations seulement si cela a un impact sur la valeur
de ses actions. En 10 ans le Canada a poursuivi une seule société, alors
que cette industrie est réputée pour être très corrompue;
6- Le Canada élabore un cadre favorisant l’industrie et rend impensable la reddition de compte politique et juridique.
Avec le nombre grandissant
d’accusations contre des minières canadiennes au fil des ans, les
organisations de la société civile québécoise et canadienne ont pour
leur part constaté l’existence d’un « vide juridique autour de la
question extractive » et la lenteur de l’État à réagir aux accusations.
Ces organisations demandent des législations plus sévères, des
mécanismes plus contraignants et que les compagnies fautives soient
punies. Dans ce contexte, plusieurs témoignages l’ont démontré, les pays
qui protègent les droits humains, l’environnement et respectent le
droit international finissent pas payer en se faisant poursuivre par les
minières.
L’influence de la diplomatie
canadienne est telle qu’un représentant latino-américain d’un ministère
de l’Énergie et des Mines a déclaré que l’« ambassadeur canadien est le
représentant de l’industrie minière ».
Ingérence dans les réformes des codes miniers : des affaires en or
Colombie – Les minières payées pour prendre possession des ressources
Plus d’une fois le gouvernement
et des sociétés d’État sont intervenus à l’étranger dans l’élaboration
de nouveaux codes miniers favorables aux entreprises extractives, comme
ce fut le cas en Colombie, comme l’a expliqué Maude Chalvin de Projet Accompagnement Solidarité Colombie.
Cette législation, visant à
imposer l’accès aux ressources naturelles pour les capitaux étrangers,
est une source de conflit et est à l’origine de violations des droits
humains :
- 80% des violations en Colombie sont commises dans les régions d’exploitation du pétrole et des mines
- 78% des violations visent des syndicalistes
- 90% des violations sont contre des autochtones
L’Institut canadien de recherche énergétique (CERI) a participé à la réforme du code minier colombien, lequel offre des avantages énormes à l’industrie :
- une baisse des redevances à presque zéro
- l’interdiction d’imposer les entreprises.
- l’accès aux zones protégées
- l’affaiblissement des mécanismes de contrôle environnemental
- la criminalisation des activités minières artisanales traditionnelles
La réforme du code minier a
créé une situation où les sociétés minières, pour, par exemple, 100
pesos de redevances, reçoivent 132 pesos d’exemption fiscale. Les
sociétés minières, qui possèdent 40% du territoire, sont donc désormais
payées par l’État colombien pour exploiter ses ressources. En 2010,
l’ambassade du Canada en Colombie a payé une tournée de promotion,
concentrée en Alberta, afin de promouvoir les nouvelles conditions
d’investissement en Colombie. Parmi ces conditions propices à
l’investissement, on vante les « bataillons militaires minéraux et
énergétiques », c’est-à-dire 80 000 militaires assignés uniquement aux
installations minières et pétrolières.
Si le renversement du président
Manuel Zelaya par un coup d’État de 2009 a détruit la démocratie au
Honduras, il a été une aubaine pour le Canada. Pedro Landa du Centro
Hondureno de Promocion para el Desarrollo Comunitario a expliqué le rôle
essentiel du coup d’État dans l’approbation du nouveau code minier : le
coup a mis en place un gouvernement qui a utilisé la force pour imposer
le nouveau code minier à la population hondurienne qui s’y opposait
fortement. L’Agence canadienne de développement international (ACDI),
aujourd’hui intégrée au ministère des Affaires étrangères, a même
soutenu le gouvernement non reconnu par le peuple, dans la rédaction du
nouveau code minier.
Cette ingérence dans la
politique hondurienne a servi à garantir les investissements canadiens
dans le secteur minier. Des débats et rencontres publiques ont eu lieu,
mais la rédaction du code s’est faite avec les représentants canadiens
et les décisions concernant ce qui serait inclus ou non ont été prises à
huis-clos.
« Honduras is open for
business » (le Honduras est ouvert aux affaires), a rapidement proclamé
le gouvernement hondurien. Cela signifie en réalité que l’on invite les
minières à venir profiter des ressources et des citoyens, main-d’oeuvre
esclave. Ce cas spécifique d’ingérence du Canada dans la politique du
Honduras est une forme de corruption légalisée a déclaré une
intervenante : « Si payer pour influencer des décisions politiques
constitue de la corruption, alors oui, le Canada a fait de la corruption
en finançant cette réforme. »
Diverses lois ont par ailleurs été créées au Honduras en appui à l’industrie minière :
-
des régions spéciales de développement ont vu le jour, avec leurs
propres systèmes, leurs gouvernements, leur police, soit des États dans
l’État.
- des zones et réserves autrefois protégées sont désormais ouvertes à l’extraction
- une loi antiterroriste permet maintenant l’écoute téléphonique des organisations qui s’opposent aux minières
-
pour des sommes allant de 1,50 à 3,50 dollars US, les compagnies
achètent des concessions à vie et peuvent poursuivre l’État si on leur
enlève ces concessions.
Un an après l’application de la
loi, 18 conflits environnementaux étaient en cours et 11 leaders
environnementaux avaient été tués.
Le coup d’État a également
affecté le système judiciaire, donnant lieu à la répression des
opposants et créant un contexte d’impunité où les actions contre les
minières n’aboutissent pas.
Bref, « on a donné aux multinationales l’État colombien, son
territoire et ses citoyens sur un plateau d’argent », déplore M. Landa.
L’aide internationale – Un détournement de fonds illégal en faveur d’une industrie criminelle
Même si le gouvernement
conservateur ne l’a pas exprimé de cette façon, l’intégration de l’ACDI
au ministère des Affaires étrangères était clairement un détournement de
l’aide internationale au développement vers l’entreprise privée.
Le ministre de la Coopération internationale de l’époque Julian Fantino a expliqué comme suit ce changement de cap :
Le
Canada est un voisin compatissant. Nous sommes réputés pour venir en
aide à ceux qui subissent les effets nocifs des périodes cycliques de
sécheresse, d’une piètre gouvernance ou d’un séisme. Depuis des
décennies, l’Agence canadienne de développement international investit
des deniers publics dans les pays en développement, et cela a débouché
sur des progrès importants en matière de développement humain dans des
secteurs comme les soins de santé de base et l’éducation [...]
Le
gouvernement Harper est voué au noble mandat de la réduction de la
pauvreté dans les pays en développement. C’est pourquoi nous voulons
inscrire cet important mandat dans la loi et maintenir un budget
considérable pour le développement [...] Tout comme notre décision de
mobiliser les fonds et l’expertise du secteur privé pour maximiser les
investissements canadiens en matière de développement, la fusion de
l’ACDI et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce
international, annoncée dans le Plan d’action économique du Canada de
2013, n’est pas une mesure révolutionnaire, mais plutôt une évolution
normale. (Julian Fantino : Pourquoi fusionner l’ACDI et le ministère des Affaires étrangères, 26 mars 2013)
À la lumière des témoignages
entendus au Tribunal, ce discours est d’une hypocrisie sans nom. Ils
contredisent ce qu’a affirmé le ministre Fantino. Le procureur Paul
Cliche a accusé le Canada d’« utiliser l’aide internationale pour
appuyer les politiques d’implantation de l’industrie au détriment des
peuples ».
La
politique d’aide internationale est alignée sur les intérêts
commerciaux. Autrefois l’État, les organisations civiles et l’entreprise
privée étaient des entités autonomes, mais aujourd’hui l’État est à la
remorque des entreprises privées qui sont le moteur de l’économie et les
ONG sont utilisées pour faire leur promotion.
« L’aide internationale sert
maintenant à redorer le blason de l’industrie minière », a déclaré
Stephen Brown de l’université d’Ottawa, en dressant le portrait de cette
aide canadienne au développement qui profite surtout au secteur privé.
Cette aide se présente de plus
en plus sous forme de partenariats public-privé, comme par exemple, le
projet en PPP de Barrick Gold et Vision Mondiale.
Bev Oda, ancienne ministre de
la Coopération internationale, « a nié que ces partenariats profitaient
aux compagnies minières, pourtant, presque tout l’argent va aux
communautés affectées par des mines canadiennes », a noté M. Brown. Or,
Pierre Gratton, président de l’Association minière du Canada avait au
contraire déclaré qu’avec ce genre d’aide, les projets miniers étaient
« plus facile à vendre ». Dans le même sens, M. Fantino avait dit de
cette aide qu’elle « contribuait à la profitabilité des compagnies ».
M. Brown est catégorique :
Il s’agit d’une subvention indirecte à
l’industrie, d’un permis social d’exploitation et de pacification. Les
fonds sont réduits pour les ONG, mais des fonds spéciaux sont alloués
aux ONG qui travaillent en partenariat avec des minières. Or, on ne peut
pas utiliser des fonds publics pour des compagnies. Le gouvernement
affirme que le privé améliore l’efficacité de l’aide, mais les
compagnies n’ont aucune expertise dans l’aide au développement et n’ont
rien à apporter dans ce domaine.
Les ONG reçoivent de l’aide
supplémentaire grâce à ces partenariats et elles « acceptent l’aide en
se disant qu’elles vont prévenir les dommages, mais en réalité elles
perpétuent les mauvaises pratiques », selon M. Brown, qui a souligné que
les ONG sont tenues par leur contrats de ne pas critiquer les
entreprises partenaires.
Malgré tous les exemples de
violations des droits humains et de destruction environnementale, les
ministres Bev Oda et John Fantino ont déclaré respectivement qu’il n’y
avait « aucun problème avec le secteur privé » et que « les entreprises
canadiennes sont socialement responsables ».
« Ces partenariats ne font rien
pour améliorer les pratiques et il s’agit d’une utilisation
inappropriée de l’aide au développement. Le but de l’aide selon la loi
canadienne est de réduire la pauvreté et non pas de créer des bénéfices
pour les entreprises », a expliqué Stephen Brown.
Il a déploré le fait que l’on
finance même des ONG créées par des compagnies, comme la fondation
London ou Ingénieurs Sans Frontières.
Autre exemple, l’Institut
canadien international pour les industries extractives et le
développement, créé grâce à une subvention de 25 millions de l’ACDI.
Certaines fondations sont « très opaques et sont situées dans des
universités pour se donner une image d’institution indépendante », mais
il y a conflit d’intérêt lorsque l’utilisation des fonds dédiés à l’aide
favorise les entreprises.
L’abolition
de l’ACDI devait servir à mettre le développement sur le même pied
d’égalité que le commerce et la diplomatie, mais il s’agit en réalité
d’un détournement de fonds. Le seul document publié depuis la fusion de
l’ACDI au ministère de Affaires étrangères est un plan d’action sur les
marchés mondiaux disant vouloir “miser sur le développement pour
favoriser les intérêts commerciaux”. Les intérêts privés sont devenus la
locomotive de l’aide au développement et cela bafoue les lois
canadiennes et les traités internationaux dont le Canada est signataire.
Les ONG sont devenues des sous-traitants de l’industrie.
Soutien économique et financier sans égards aux droits humains
Le Canada apporte par ailleurs
un soutien économique et financier à l’industrie extractive par la
Bourse de Toronto qui facilite son financement sans demande de
transparence, ni aucune exigence de respect des droits humains. Cela
alimente la spéculation boursière dans le secteur extractif sans égards
au respect des droits humains. 60% des entreprises minières du monde
sont inscrites à la bourse de Toronto et 44% des fonds de cette Bourse
sont amassés par l’industrie minière. Les fonds de pension canadiens
investissent aussi dans les minières, comme le fonds de Teachers qui a
investit 175 millions de dollars dans Goldcorp.
L’accès à la justice est pratiquement impossible et inabordableAutre accusation grave : Le Canada ne prévoit pas de recours judiciaires ou non judiciaires pour que les victimes des violations commises par des entreprises canadiennes à l’étranger aient accès à la justice.
Le professeur de droit Shin Imai de l’Osgoode Hall Law School a souligné que jusqu’à tout récemment, il était pratiquement impossible d’avoir accès à la justice au Canada pour des dommages subis à l’étranger et causés par des entreprises canadiennes :
Aujourd’hui, lorsqu’un cas est accepté en cour, cela est considéré comme une victoire.
En pratique, l’accès à la justice est
formel, très dispendieux et il est difficile de trouver un avocat. Les
grands cabinets refusent les cas impliquant les minières car ils ont des
clients qui font partie de l’industrie.
Le professeur Imai a insisté sur l’importance de créer des
« mécanismes de responsabilité sociale des entreprises, de promouvoir
l’indépendance de l’appareil judiciaire, et d’éduquer les étudiants en
droit sur cette problématique ».Le libre échange – Un échec pour les travailleurs et l’environnement, une réussite pour le 1 %
Pour les entreprises, le libre échange est une réussite. Pour le citoyen moyen, ce modèle est un échec. En janvier, le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC) publiait un bilan des 20 ans de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) :
Le constat est clair : l’ALÉNA n’a pas
rempli ses promesses de prospérité pour les travailleuses et
travailleurs et la population en général. Les données et les analyses
présentées ont plutôt permis de constater que les droits humains, les
conditions de vie et de travail de la grande majorité ainsi que les
écosystèmes se sont détériorés depuis la signature de l’ALÉNA, alors que
les inégalités se sont considérablement creusées, au profit des 1% les
plus riches. (Bilan
des 20 ans de l’ALÉNA : Les droits humains doivent avoir préséance sur
les droits des multinationales / Forum tri-national multisectoriel à
Mexico, RQIC, 31 janvier 2014.)
Après 25-30 ans de libre-échange, a déploré Pierre Yves Serinet,
coordonateur du RQIC, « il y a eu création de richesse, oui, mais
celle-ci est concentrée, et il n’y a aucune amélioration du niveau de
vie ni aucune protection environnementale ».Malgré ces promesses non tenues, « la vision du développement et de l’économie demeure la mondialisation néolibérale ».
Le secteur minier est
emblématique de cette mondialisation donnant un pouvoir accru aux
compagnies. M. Serinet en a tracé les grandes lignes :
- un système de droit des corporations érigé en force de loi dans tous les pays à tous les niveaux;
- des outils qui protègent les
droits des investisseurs : davantage d’ingérence étatique pour protéger
les compagnies, mais moins pour protéger la population et
l’environnement.
Selon M. Serinet, nous avons besoin d’un changement de paradigme et
d’un nouveau cadre juridique qui redonnera préséance au droit humain et
au droit de la nature. Les mécanismes légaux de protection des victimes
sont faibles comparativement à ceux qui protègent les investissements.
Les accords de libre-échange
comprennent des accords de protection des investissements qui permettent
de contourner le droit national et de s’en remettre à un système
juridique international devant lequel les États peuvent être poursuivis.
Cela a créé un « effet réfrigérant et antidémocratique affectant la
capacité des États à mettre de l’avant des politiques publiques ». Par
exemple des pays qui ont fait des réglementations environnementales se
sont fait poursuivre par des sociétés minières.
Une compagnie peut même poursuivre un État X avec lequel il n’a pas
d’accord de libre-échange en utilisant un accord qu’il a avec un autre
pays, qui lui a un accord avec le pays X : Pacific Rim, une société
canadienne, a utilisé sa filiale aux États-Unis pour poursuivre le
Salvador pour 301 millions de dollars. Le pays d’Amérique Centrale est
poursuivi devant un tribunal de la Banque mondiale pour avoir refusé un
projet minier de Pacific Rim.Verdict du Tribunal : Le Canada et ses sociétés minières responsables de graves violations
Le jury a publié un verdict préliminaire et reconnaît clairement la responsabilité des entreprises et de l’État canadiens. Ils ont manqué à leur « devoir de respecter et de protéger les droits humains tels qu’ils sont reconnus par le droit international ».
L’État a été reconnu responsable par
action (appui à l’industrie minière) et par omission (s’abstient de
prendre des mesures pour éviter les violations).
[L]e Tribunal
permanent des peuples déclare responsables les entreprises Barrick Gold
et sa filiale Nevada SpA; Goldcorp et sa filiale Entre Mares; Tahoe
Resources et sa filiale San Rafael S.A., Blackfire Exploration et sa
filiale Blackfire Exploration Mexico S. de R.L. de C.V., Excellon
Resources et sa filiale Excellon de México S. A. de C. V, pour les
violations des droits humains ici présentées. L’État du Canada et
les États hôtes où sont exploitées les ressources naturelles par ces
entreprises sont aussi responsables de ne pas avoir empêché les
violations, d’avoir facilité, toléré ou dissimulé celles-ci, et d’avoir
dans la pratique empêché l’accès des victimes à un recours les
protégeant contre de telles violations ».
Qu’adviendra-t-il à la suite de
ce verdict? Les médias s’y sont à peine intéresser. Le Canada sera-t-il
poursuivi par ses victimes comme l’est le Salvador par Pacific Rim?
Sera-t-il sanctionné par d’autres États pour ses violations du droit
international? Le Canada n’a pas hésité à appliquer des sanctions contre
l’Iran pour son « inaction » relativement à son programme nucléaire, et
pour ne pas avoir « répondu aux mesures permettant d’instaurer la
confiance qu’a proposées le groupe 5P+1 ».
Le ministère des Affaires
étrangères, Commerce et Développement Canada, en grande partie
responsable des violations commises en Amérique latine, écrit sur son
site : « L’imposition de sanctions économiques à l’encontre d’États
étrangers et d’acteurs non étatiques demeure un instrument important
pour la communauté internationale dans l’application des normes et des
lois internationales. » Si ces minières canadiennes étaient russes ou
iraniennes, il est fort probable que le Canada aurait dénoncé haut et
fort ces violations des droits humains et que des sanctions économiques
auraient été adoptées.
Les pays victimes des minières
canadiennes, comme le Salvador, vont-elles envisager des sanctions
économiques contre le Canada pour ses nombreuses violations du droit
international? Il s’agit peut-être du seul moyen envisageable pour
l’instant, puisqu’il est évident que le système judiciaire international
est une parodie de justice.
Julie Lévesque
Journaliste, Mondaillisation.ca
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